Climat

En France, un réchauffement climatique pire que prévu

A peine sorti des canicules de l’été et d’un mois d’octobre extrêmement chaud, des scientifiques de Météo-France, et du CNRS préviennent que le réchauffement climatique pourrait être pire que prévu en France au cours du 21ème siècle.

+4°C en 2100 en France

La France s’est réchauffée de 1,7°C depuis la période préindustrielle ce qui correspond à l’augmentation moyenne de la température sur les continents (+1,6°C) à l’échelle de la planète. Pour rappel, le dernier rapport du GIEC estimait que la température moyenne globale avait augmenté de 1,1°C depuis 1850, les océans se réchauffant moins vite que les terres émergées. Mais une étude1 récente montre que, en France, la température moyenne pourrait atteindre +3,8°C degrés en 2100 dans le cas d’un scénario d’émissions de gaz à effet de serre intermédiaire. A l’heure actuelle, les objectifs climatiques de l’ensemble des pays nous conduisent à un scénario catastrophique de +2,8°C de réchauffement global d’ici la fin du siècle. Cela correspond à un scénario moyen d’émissions. Avec un scénario très émissif, la température moyenne en France pourrait grimper de 6,7°C.

Projections de la température moyenne en France à l'horizon 2100. Les projections sont calculées pour les divers scénarios d'émissions : faibles, intermédiaires, élevées et très élevées et pour des moyennes des températures annuelles, hivernale et estivale.
Projections de la température moyenne en France à l’horizon 2100. Les projections sont calculées pour les divers scénarios d’émissions : faibles, intermédiaires, élevées et très élevées et pour des moyennes des températures annuelle, hivernale et estivale. La période de référence des températures est la période 1900-1930.

Un scénario pire que prévu pour la France

Pour la France les dernières données disponibles, avant la publication de Météo-France et du CNRS, sont issues du rapport du projet DRIAS paru en 20212. Les projections donnaient alors une température de +2,1°C pour un scénario intermédiaire et +3,9°C pour un scénario à très fortes émissions. Ce réchauffement sera plus fort en été qu’en hiver et plus marqué dans les zones montagneuses.

L’étude parue le mois dernier pour notre pays montre que le réchauffement climatique pourrait être 50 % plus intense au cours du 21ème siècle en France. Pour se faire, les chercheur·ses de Météo-France et du CNRS se sont basé·es sur des modélisations. Ils et elles ont utilisé les mêmes simulations que celles du dernier rapport du GIEC. Les scientifiques y ont ajouté des contraintes. Les modélisations prennent en compte les observations issues d’une trentaine de stations météo qui enregistrent des données depuis le début du 20ème siècle. Cela a permis de réduire les incertitudes et de détecter les projections climatiques les plus cohérentes. Mais comme le rappelle Valérie Masson-Delmotte dans Le Monde, « les nouvelles projections ne peuvent pas être comparées directement aux précédentes, dans la mesure où les scénarios utilisés ont changé. » Cependant, cette étude reste très fiable et nous emmène sur une trajectoire de réchauffement climatique pire que prévue.

« Les observations récentes suggèrent que la France s’est réchauffée et va continuer à se réchauffer davantage, et plus vite que ce qu’on pensait jusqu’à maintenant. »

Aurélien Ribes, auteur principal de l’étude

Des projections à l’échelle nationale

Si, dans son dernier rapport, le GIEC effectue des projections à l’échelle régionale, les données ne sont disponibles qu’à l’échelle européenne. L’étude conjointe de Météo-France et du CNRS permet de faire un focus sur la France métropolitaine. Elle pourrait ainsi être utile pour les décisions de politiques climatiques car elles se prennent souvent au niveau national ou européen pour la France. De plus, elle pourrait être un support pour les études d’impact du réchauffement climatique à l’échelle du pays mais aussi guider les politiques d’atténuation et d’adaptation.

Photo de Tim Mossholder , Pexels

Plus chaud et plus sec

Avec des étés plus chauds en moyenne de +5,1°C, les canicules seront plus fréquentes, plus longues et plus sévères. Les sols seront plus secs et les ressources en eau moins disponibles. Cependant, des études d’impacts sont nécessaires pour préciser les scénarios envisagés. Alors que l’été 2022 a été le deuxième plus chaud avec +4°C d’écart, « on pourra s’attendre à des maximums journaliers de +6°C l’été », selon Julien Boé, directeur de recherches au CNRS.

En hiver, la température moyenne devrait augmenter de 3,2°C. Les conséquences sur l’agriculture seront très importantes. Les pratiques et les paysages seront profondément modifiées.

La région méditerranéenne et les zones montagneuses pourraient subir des hausses de températures encore plus fortes. L’Ile-de-France pourraient voir les vagues de chaleur passer de 21 à 94 jours selon Météo-France. Tous les écosystèmes et la biodiversité seront impactés.

Acclimaterra, GREC Sud, RECO, Ouranos-AURA les expert·es du climat en région

Acclimaterra pour la Nouvelle-Aquitaine, GREC Sud pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, RECO pour l’Occitanie ou Ouranos-AURA en Auvergne-Rhône-Alpes. A l’image du GIEC, les expert·es du climat sont aussi présents, présentes en région. Ces quatre groupes régionaux d’experts sur le climat (GREC) parmi d’autres déclinent à l’échelle locale des nouvelles grandes régions françaises leurs connaissances sur le changement climatique et la biodiversité. Ils ont pour but de transposer à l’échelle des territoires les connaissances scientifiques sur le climat et les écosystèmes. Ils permettent d’identifier les enjeux locaux et conseiller les politiques sur leur stratégie d’adaptation au changement climatique. Ils produisent des rapports régionaux à destination des élu·es, des entreprises et font aussi de la médiation auprès du grand public.

Photo de Ruben de Rijcke, Wikimedia Commons

Des aérosols ont masqué le réchauffement

Cette étude comme le dernier rapport du GIEC montre que le réchauffement climatique est directement proportionnellement aux émissions de CO2, issues des activités humaines mais jusque dans les années 1980, les aérosols ont masqué la hausse des températures.

« On n’imaginait pas que les aérosols avaient une telle incidence sur le climat français (…) On observe que, jusque dans les années 1980, leur effet a masqué le réchauffement climatique, au point qu’il n’apparaît quasiment pas dans les instruments. »

Julien Boé, Directeur de recherches au CNRS

Les aérosols sont des particules en suspension dans l’atmosphère produites par les activités humaines polluantes (combustion de carburants fossiles) et les éruptions volcaniques. Elles ont un puissant effet refroidissant. La concentration des gaz à effet de serre et des aérosols ont augmenté jusque dans les années 1980 annihilant leurs impacts respectifs. Suite à des nouvelles réglementations mise en place, la pollution s’est réduite et le réchauffement climatique s’est emballé.

Les régions françaises les plus exposées

La hausse moyenne des températures dépend de la région ou l’on vit. Chaque Français·e n’y est pas exposé·e au même niveau. Une étude commune Météo-France et Insee3 d’août 2022 montre que les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France-Comté et Occitanie seront les plus touchées. Les habitant·es y subiront des journées et des nuits anormalement chaudes dans les trente prochaines années. Un habitant·e sur sept sera touché·e. 80 % de la population française endurera 16 à 29 journées anormalement chaudes (actuellement moins de 16) et jusqu’à 19 nuits anormalement chaudes (actuellement 7). De plus, les îlots de chaleur urbains aggraveront la situation alors qu’ils ne sont pas inclus dans les simulations climatiques.

Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour les périodes 1976-2005 et 2021-2050. Source : Météo-France/Insee

Les personnes âgées, les jeunes enfants, les personnes pauvres ou les professionnel·les travaillant en extérieur seront les plus exposé·es. La multiplication et la succession des vagues de chaleur mettront à rude épreuve les organismes. Cette étude soulève des questions d’adaptation. La majorité des bâtiments scolaires n’est pas isolée correctement et les canicules arrivent en juin maintenant. La question se pose aussi en zone touristique comme le bassin méditerranéen pour des touristes peu habitué·es aux très fortes chaleurs.

Qu’est-ce qu’une journée ou une nuit anormalement chaude ?

D’après Météo-France, « une journée (nuit) anormalement chaude est une journée (nuit) pour laquelle la température maximale (minimale) est supérieure d’au moins 5 °C à la température maximale (minimale) de référence. À titre d’exemple, ces références respectives sont en moyenne pour juin à août de 23 °C et 16 °C pour Paris, 23 °C et 14 °C pour Nantes, 26 °C et 17 °C pour Toulouse. »

L’Europe se réchauffe deux fois plus vite

A l’instar de la France, l’Europe est plus sensible au réchauffement climatique que le reste du monde. L’Europe est le continent le plus touché par la hausse globale des températures.

Le rapport4 sur l’état du climat en Europe, publié le 2 novembre 2022, fait un état des lieux du changement climatique et se concentre sur l’année 2021. Écrit conjointement par l’Organisation météorologique mondiale et le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S), il montre que l’Europe s’est réchauffé plus de deux fois plus vite au cours des trente dernières années. La hausse des températures est de 0,5°C tous les dix ans. En France, cette augmentation est plus faible : 0,36°C par décade1. En 2100, la température globale moyenne devrait atteindre +2,6°C en Europe.

Les conséquences sont déjà très visibles. Les glaciers alpins ont perdu 30 mètres d’épaisseur entre 1997 et 2021. On peut sans aucun doute penser que feux de forêts, inondations, tempêtes vont se multiplier entraînant des décès et des impacts économiques et sur la société tout entière. Les écosystèmes et la biodiversité seront également touchés.

Anomalie de température moyenne annuelle pour la période 1900-2021 par rapport à la période de référence 1981-2010 pour les terres émergées de l’Europe, telle que définie par la région RA VI de l’OMM. Crédit : Copernicus Climate Change Service/CEMWF.

Des scénarios qui envisagent le pire

A mesure que les modélisations climatiques deviennent de plus en plus fiables et précises, les projections montrent que le réchauffement climatique n’est pas uniforme sur les continents. La France comme l’Europe se réchaufferaient plus vite et plus fort que prévu. Les effets seront marqués avec des canicules plus fréquentes et plus intenses. Les ressources en eau seront impactées en étant moins disponibles voire totalement absentes. Les conséquences sur notre vie quotidienne seront importantes et toucheront aussi bien l’agriculture que notre bien-être.

Cependant, ces études à l’échelle locale sont très précieuses car elles permettent de se préparer et de s’adapter au changement climatique en réalisant des études d’impact et d’orienter les politiques d’adaptation au changement climatique. Si la réduction des émissions de gaz à effet de serre est cruciale, imaginer un monde à +4°C est tout aussi nécessaire.

Que ressentez-vous face un réchauffement à +4°C en France ?

Bibliographie :

1 A. Ribes et al., An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint, Earth Syst. Dynam., 13, 1397–1415, 2022

2 J-M Soubeyroux, Les nouvelles projections climatiques de référence DRIAS 2020 pour la métropole, 2021

3 A Dugué, F. Gateau, Un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir, Insee Première, n° 1918, Août 2022.

4 State of the Climate in Europe 2021, World Meteorological Organization, the Copernicus Climate Change Service (C3S), 2022

Crédit photo : Patrick Hendry (Unsplash) pour la photo de couverture

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