Biodiversité Climat

Le réchauffement climatique, une menace sérieuse pour les arbres urbains

Avec le changement climatique et l’augmentation des canicules, l’arbre est devenu indispensable en ville comme moyen d’adaptation au réchauffement climatique. D’après le dernier rapport du GIEC1, les arbres urbains ont plusieurs utilités : séquestrer le carbone, diminuer les émissions de gaz à effet de serre mais aussi l’énergie utilisée dans les bâtiments et les îlots de chaleur en été, améliorer la qualité de l’air et apporter des bénéfices en terme de qualité de vie et de santé. Cependant une étude récente a montré que de nombreuses espèces sont déjà en danger avec l’augmentation des températures et la diminution des ressources en eau2.

Les arbres en ville menacé par le changement climatique

Une récente étude franco-australienne3, publiée dans Nature Climate Change, montre que le réchauffement climatique menace déjà plus de la moitié des espèces d’arbres présentes dans les villes du monde entier. D’ici 2050, ce sera plus de 70 % des espèces qui souffriront de l’augmentation de la température moyenne et/ou de la baisse des précipitations.

Cette évaluation sur plus de 3 000 arbres et arbustes menée dans 78 pays et 164 villes a permis d’analyser le risque de dépérissement et de mortalité de ces végétaux en fonction du réchauffement actuel et futur4. D’ores et déjà, les auteur·ices montrent que certaines espèces ont atteint leur marge de sécurité en terme de changement climatique. C’est le cas pour la famille des myrtacées qui comprend les eucalyptus, la famille des fabacées qui regroupent notamment les acacias, les indigotiers ou les mimosas et enfin la famille des rosacées qui inclut de nombreux arbres fruitiers comme les abricotiers, les amandiers, les cerisiers, les pommiers, les poiriers… Il est à noter que cette dernière famille revêt une grande importance économique et alimentaire.

Dans les années à venir, le nombre d’arbres menacé par le changement climatique va augmenter. Les forêts urbaines souffriront de plus en plus dans les villes où les précipitations diminueront et où la température moyenne augmentera.

Des villes et des régions vulnérables

Cette étude révèle aussi que certaines villes ou régions du monde sont plus menacées que d’autres. Barcelone en Espagne, Niamey au Niger ou Singapour en Asie du Sud-Est sont totalement vulnérables car toutes les espèces d’arbres et arbustes de leur territoire dépassent déjà la marge de sécurité pour le changement climatique. L’article montre aussi que les villes au niveau de l’équateur sont plus vulnérables que celles situées dans les hautes latitudes.

Proportion d'espèces à risque en fonction de la latititude des villes suivant l'hémisphère
Relation entre la proportion d’espèces à risque et la latitude des villes suivant l’hémisphère

En France, les données sont disponibles pour cinq grandes villes : Paris, Bordeaux, Montpellier, Grenoble, Lyon. Ainsi, dans notre pays, une espèce sur deux est menacée par l’augmentation des températures et la diminution des précipitations annuelles en 2050. Par exemple, le frêne commun, le tilleul à petites feuilles, le tilleul à grandes feuilles, l’érable plane, le bouleau verruqueux, le peuplier tremble, l’aulne blanc ou le pin sylvestre font partie des arbres les plus à risque en 20505.

Quelle résilience pour les forêts urbaines ?

Cette étude pose aussi la question de la résilience des arbres actuellement plantés dans les villes. Seront-ils capables de survivre et de s’épanouir avec le changement climatique ? Entre l’augmentation des températures et le manque d’eau, les individus de ces espèces vulnérables vont subir de plus en plus de stress. Ils peuvent être affaiblis et donc sensibles aux attaques de champignons ou d’insectes. Ces extrêmes climatiques peuvent également entraîner une baisse de leur croissance mais aussi stopper l’évapotranspiration permettant de rafraîchir l’air ambiant en été.

Concernant l’accès à l’eau, certaines villes ont la capacité de soutenir le besoin en eau des arbres et arbustes par irrigation. Mais ces actions sont coûteuses. Cependant, elles peuvent s’avérer nécessaire pour limiter le dépérissement ou la mortalité des arbres et arbustes. En cas de canicule, les végétaux cessent la photosynthèse et ne transpirent plus. Certains vont même jusqu’à perdre leur feuilles pour limiter la perte d’eau. Ainsi l’arbre ne joue plus son rôle de climatiseur. Encore faut-il avoir de l’eau à disposition ?

Enfin, les températures de plus en plus douces en hiver sont aussi une menace pour ces arbres car certaines espèces ont besoin de températures froides à cette période pour se développer.

L’analyse faite aujourd’hui permet d’établir un état des lieux des espèces présentes et de leur résistance au climat actuel et futur. Elle permet aussi de constituer un guide pour le choix des futures espèces à planter. Cependant, il y a des limites. Cette étude ne prend pas en compte les îlots de chaleur, les contraintes liées à la ville comme la pollution ou l’espace restreint pour le système racinaire, par exemple.

Verdir la ville, pas si facile !

Après les canicules de l’été 2022, verdir la ville est devenue indispensable. Plusieurs municipalités envisageables diverses solutions pour multiplier les arbres en ville comme densifier les plantations, créer des forêts urbaines de type Miyawaki par exemple, débitumer, deperméabiliser les sols… Adapter les villes au climat qui change est crucial mais se heurte à de nombreux obstacles.

L’environnement peu accueillant avec la pollution urbaine, un sous-sol jonché de canalisations et de réseaux en tout genre ainsi que la conciliation des différents usages (automobilistes, cyclistes et piétons) rend l’équation difficile à résoudre. Et on l’a vu plus haut, il faut choisir les espèces d’arbres et d’arbustes les plus résilientes à l’horizon 2050 voire 2100.

Mais surtout tous ces aménagements ont un coût. Végétaliser une cours d’école coûte très chère : 380 000 € pour une école à Dijon et 400 000€ pour une école à Poitiers. Et il y a plusieurs dizaines d’écoles simplement pour ces deux villes.

La méthode Miyawaki, une solution de végétalisation urbaine

Cette méthode a été mise au point par le botaniste japonais Akira Miyawaki. Elle dérive du concept de végétation naturelle potentielle (végétation présente dans un milieu naturel sans influence humaine) développé par l’Allemand Reinhold Tüxen.

La méthode Miyawaki est une méthode de plantation de micro-forêts. Pour se faire on choisit des arbres et arbustes locaux qui seront plantés densément dans un sol décompacté et amendé. Le but est d’imiter une forêt naturelle, de créer un micro-climat et de favoriser la croissance rapide des arbres ainsi que la biodiversité. Au bout de trois ans, la micro-forêt est considérée comme autonome et atteint un stade de forêt mature 20 ans plus tard soit cinq fois plus vite qu’une forêt classique. Seules les essences les plus adaptées se maintiendront. Cette méthode de plantation est devenue très populaire en France et les projets se multiplient à travers tout le territoire.

Si en France, cette méthode est parfois critiquée, elle est un exemple de végétalisation de la ville. Il est bien sûr nécessaire de faire un suivi scientifique pour l’adapter au mieux au contexte français et au changement climatique.

Comment pérenniser les arbres en ville ?

Les auteur·ices de l’étude parue dans Nature Climate Change donnent des conseils simples pour aider les arbres et arbustes à s’adapter : déperméabiliser les sols, choisir des essences adaptées au climat qui change, ne pas bitumer davantage et préserver les arbres existants…

Si de nombreuses espèces souffrent et souffriront dans les années à venir du changement climatique, cette étude permet de trouver des informations pour planifier au mieux les plantations futures. Les villes sont des espaces particuliers, comportant de nombreuses contraintes mais les bénéfices de la végétalisation sont importants d’un point de vue de l’adaptation au réchauffement climatique comme pour les bienfaits en terme de qualité de vie.

Saviez-vous que le réchauffement climatique menaçait la survie des arbres en ville ?

Bibliographie et notes :

1 Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change, IPCC, 2022

2 Changement climatique : menace sur les arbres en ville, CNRS, consulté le 03/11/2022

3 M. Esperon-Rodriguez et al., Climate change increases global risk to urban forests, Nature Climate Change, 12, 2022

4 selon les projections du GIEC

5 J. Lenoir et al., Climat : d’ici 2050, 71% des espèces d’arbres en situation de risque à Paris, Bordeaux, Montpellier, Grenoble et Lyon, The Conversation France, consulté le 04/11/2022

Crédit photo : Chris Barbalis (Unsplash) pour la photo de couverture

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