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Ecologie individuelle Vrac

Consommer en vrac, c’est bon pour le porte-monnaie et la planète

Avec l’essor du zéro déchet il y a une dizaine d’années, la vente en vrac s’est démocratisée. Mais entre les personnes qui ne jurent que par ce mode d’achat et celles qui y sont réfractaires, la question du prix est souvent un point de tension. Le vrac est-il réservé aux bobos qui veulent se donner bonne conscience ou peut-on faire de réelles économies en optant pour ce mode de consommation ? Et le vrac est-il bon pour la planète ? L’Ademe et 60 millions de consommateurs ont publié en novembre 2021 une étude comparative1 des prix de produits vendus en vrac et en préemballé afin d’éclairer le débat.

La vente en vrac a toujours existé

L’apparition des supermarchés et leur démocratisation dans les années 60 met fin à la vente au détail dont l’offre est limitée au profit de produits préemballés abondants et standardisés. La consommation de masse entraîne l’augmentation des emballages notamment des emballages plastiques. Pour autant, la vente en vrac n’a jamais vraiment disparu. Il a toujours été possible d’acheter des fruits et des légumes en vrac, des fromages, de la charcuterie ou de la viande à la coupe.

L’explosion de l’offre vrac en France

En 2013, le succès du livre de Bea Johnson intitulé Zéro déchet2 démocratise un mode de vie sans déchet. L’achat en vrac permettant de réduire ses déchets notamment ceux liés à l’emballage, de nombreuses épiceries indépendantes ouvrent partout en France. De 8 épiceries en 2015, on est passé à 528, fixes ou ambulantes, en 2020 selon Réseau Vrac, l’association des professionnel·les du vrac. Dans le même temps, des chaînes de supermarchés vrac voient le jour comme Day by Day ou Mademoiselle Vrac. Les grandes et moyennes surfaces surfent sur la tendance et les rayons vrac se multiplient. En 2020, 71 % des supermarchés possédaient un rayon vrac dédié. Dans les magasins bio, pionniers dans ce type de vente, ce chiffre monte à 88 %. Le réseau Biocoop propose un rayon vrac depuis 30 ans. Enfin, la dernière tendance dans le vrac est l’ouverture de drives uniquement axés sur ce mode de consommation.

Un chiffre d’affaires multiplié par 12 en 6 ans

Preuve de l’engouement des Français·es pour le vrac, le chiffre d’affaires (HT) de ce secteur atteignait 1,2 milliards d’euros en 2019, un chiffre multiplié par 12 en 6 ans. Selon l’enseigne Day by Day, il pourrait atteindre 3,2 milliards d’euros en 2022 et le vrac représenterait 15 % du marché en 2030. Pionnières dans ce secteur au milieu des années 2010 (si on exclut le réseau Biocoop), les épiceries spécialisées indépendantes représentent 5 % du chiffre d’affaires en 2020.

Une personne se sert de lentilles corail dans une trémie
Crédit photo : Polina Tankilevitch via Pexels

Le vrac entre dans la loi

Jusqu’à 2020, les acteurs·ices du vrac évoluaient dans un flou juridique. La loi AGEC du 10 février 2020 corrige cette anomalie et donne une définition de la vente en vrac en libre service ce qui donne un cadre légal à ce mode de commercialisation. La loi climat et résilience du 24 août 2021 vient compléter cette définition en y incluant la vente en service assisté.

Elle oblige également, au 1er janvier 2030, les commerces de plus de 400 m² à consacrer 20 % au moins de leur surface3 à la vente de produits de grande consommation sans emballage primaire. Les grandes et moyennes surfaces sont ainsi incitées à développer leur rayon à la coupe proposant ou acceptant les contenants réutilisables et encouragées à proposer un rayon vrac en libre service de produits alimentaires et non alimentaires (cosmétiques, produits détergents) dans les 8 années à venir.

Face à l’avenir prometteur du vrac, il est légitime de se demander si ce mode d’achat permet de réelles économies.

Le coût économique du vrac

Selon une étude Réseau Vrac / Institut Nielsen de décembre 2020 et cité par le magazine 60 millions de consommateurs4, 40 % des foyers achètent en vrac dont 50 % de façon régulière et 40 % habitent en zone rurale et dans des villes de moins de 20 000 habitants. Cela représente 5,4 millions de foyers. La première motivation est économique : il s’agit de faire des économies en achetant la quantité souhaitée pour 37 % des sondé·es. La question écologique, en particulier la réduction des emballages, n’est prioritaire que pour 22 % des personnes. Le vrac ne serait donc pas réservé aux bobos écolos citadins.

L’Ademe se penche sur le vrac

Suite à l’évolution de nos modes de consommation, essor du vrac et de la seconde main, et les lois AGEC en 2020 puis climat et résilience en 2021, l’Ademe a publié toute une série de publications autour de ces thématiques fin 2021. En collaboration avec l’Institut National de la Consommation (INC), elle publie une étude sur le prix du vrac1.

Le prix du vrac

Si le vrac peut sembler moins cher d’un côté puisqu’on enlève le coût des emballages, du marketing et de la communication, l’augmentation de la logistique et de la manutention de l’autre côté pourrait de fait en augmenter le prix. Devant cette contradiction, une étude sérieuse et exhaustive était nécessaire pour en tirer une conclusion.

Portant sur plus de 500 magasins et sur 8 produits les plus représentatifs de la vente en vrac (amandes, lentilles vertes, sucre cristal, riz long blanc, huile d’olive, vinaigre de vin, lessive liquide et savon liquide), l’étude conjointe Ademe / INC a permis d’en tirer plusieurs conclusions.

Le vrac fait la part belle aux produits bios

Les produits bios sont surreprésentés dans le vrac. Cela s’explique d’une part par un contexte historique, les magasins bios étant pionniers dans ce type de vente et d’autre part, par une volonté de limiter les emballages surtout plastiques dans un souci de préservation de l’environnement.

Les produits conventionnels sont peu disponibles en vrac, alors que l’on pourrait logiquement les retrouver dans les grandes et moyennes surfaces, les chaînes de magasins vrac, les drives ou les épiceries spécialisées. Cependant pour ces trois derniers points de vente, leur nombre est encore faible comparé aux hypers et supermarchés. La faible disponibilité des produits conventionnels vrac dans les grandes surfaces est surtout due à une non-adaptation de ces lieux à la vente en vrac. En effet, il faut du personnel formé et dédié à cet espace de vente et du temps pour remplir et nettoyer silos et trémies, ce qui de fait coûte plus cher ; un modèle qui s’oppose à une politique de prix tirée vers le bas.

Les épiceries spécialisées indépendantes, quant à elle, privilégient les produits locaux bios ou non et sont à 81 % implantées en centre-ville. Elles proposent un grand choix de produits : épicerie sèche, cosmétiques, détergents… permettant de faire la majorité de ses courses dans ces lieux. Elles sont également génératrices d’emplois avec 1,5 emplois à temps plein par 60 m² de surface commerciale5.

Vue d'une épicerie sans emballage
Crédit photo : Polina Tankilevitch via Pexels

Le vrac bio moins cher

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette étude conjointe Ademe / INC. Comparer les prix du vrac et des produits préemballés s’avère compliqué car il y a de grandes différences de provenances et de qualité. Pourtant, les produits bios vendus en vrac dans les magasins bios sont moins chers et l’offre est plus diversifiée. L’achat en vrac est plutôt favorable aux magasins bios car ils peuvent passer par des centrales d’achat et les volumes de vente sont corrélés à la taille des magasins. Les coûts sont donc optimisés.

Dans les grandes surfaces, l’accent est mis sur un prix bas avec des produits préemballés et standardisés. Le modèle du vrac n’est donc pas adapté à ces lieux de vente. Cependant, avec la démocratisation du vrac d’ici 2030 avec la loi climat et résilience, on peut s’inquiéter d’une politique de prix bas, d’un calibrage des produits ou d’un discours marketing pour les fournisseurs de produits vrac. Cette étude, même si elle est difficilement généralisable, vu la sous-représentativité des produits vrac conventionnels, va à l’encontre d’une idée reçue : le vrac n’est pas moins cher dans les supers et hypermarchés. Les lentilles vertes conventionnels sont 50 % plus chers en vrac qu’en préemballé (+12 % en bio), le riz long blanc non bio 62 % plus cher.

Les épiceries vrac indépendantes ont un modèle économique différent. Elles misent sur le local, la qualité, une connaissance fine de leurs produits et une relation de confiance avec les producteurs·rices qui les fournissent. Cependant, il est tout à fait possible de trouver des produits vrac moins chers dans ces épiceries que dans les supermarchés. Une comparaison au cas par cas, à qualité équivalente, est donc nécessaire si vous cherchez un prix bas.

Les bonnes pratiques de l’achat en vrac

Acheter en vrac modifie notre façon de faire ses courses. Certaines craintes peuvent apparaître quand on souhaite acheter son riz ou ses gâteaux en vrac. Est-ce que le produit n’ a pas été contaminé par le ou la client·e précédent·e ? Mais on ne se pose pas vraiment la question quand on achète des fruits et des légumes au supermarché manipulés par plusieurs personnes avant nous et simplement reposés car cet aliment ne nous convient pas. Pour limiter les risques, il suffit adopter les bonnes pratiques suivantes pour nos achats en vrac :

  • Amenez un contenant adapté au produit : les produits secs dans des bocaux ou des boîtes (farine, légumineuses, céréales) ou des sachets en tissus (fruits à coques entiers ou fruits et légumes), des bouteilles pour l’huile ou le vinaigre. Pour la cosmétique ou les produits ménagers, le contenant d’origine est réutilisé car des informations importantes sont inscrites sur le contenant. Verre, plastique ou métal, peu importe s’il est adapté à votre produit.
  • N’utilisez pas des contenants d’hygiène pour l’achat de produits alimentaires et inversement.
  • Amenez des contenants propres et en bon état et si possible, étiquetés ou rechargez votre contenant avec exactement le même produit.
  • Optez pour des contenants réemployés (pot en verre de confiture ou de cornichons par exemple) et réemployables.
  • Achetez juste la quantité souhaitée pour éviter le gaspillage alimentaire.
  • Évitez les pertes de produits en magasin. Si besoin, faites-vous aider. Le personnel présent dans les épiceries vrac indépendantes sont là en cas de besoin.
  • Utiliser les pelles et les pinces mises à disposition pour les produits pour des questions d’hygiène et de transport d’allergènes.
  • Respecter les consignes affichées et n’hésitez pas à demander de l’aide.

Le vrac est-il plus écologique ?

Vrac n’est pas synonyme de zéro déchet. Les emballages sont bel et bien présents en amont de notre achat dans un rayon vrac. Cependant il est possible d’améliorer l’impact environnemental du vrac.

Limiter les emballages

Dans près de 70 % des cas étudiés par l’Ademe6, on constate une réduction des emballages et notamment des emballages plastiques. Cependant, des analyses au cas par cas sont nécessaires car le vrac n’est pas toujours avantageux d’un point de vue environnemental. Par exemple, pour le riz, le vrac ne se démarque pas vraiment de la vente en préemballé d’un point de vue environnemental. Pour les produits liquides, comme l’huile d’olive, le vrac est écologiquement plus intéressant. Le développement d’emballages éco-conçus ou le réemploi de contenants par les fournisseurs est une piste pour améliorer le bilan environnemental du vrac. Mais la réduction des emballages est surtout faite chez les consommateurs·trices avec le réemploi des contenants.

étagère de supermarché contenant des boites de céréales vue de face
Crédit photo : Franki Chamaki via Unsplash

Le coût sociétal des emballages

La question du coût sociétal des emballages est rarement abordée. La gestion des déchets d’emballages coûte en moyenne 117 € HT par an et par habitant7. C’est le principe de la mutualisation des coûts et la privatisation des profits. Pour compléter, je vous invite à lire l’article Afficher le coût des emballages pour réduire les déchets ? publié par Les Décheticiens.

Selon le WWF8, les emballages plastiques devraient coûter 10 fois plus chers. Si le plastique apparaît comme un matériau bon marché utilisé en partie dans des emballages jetables, les externalités négatives (émissions de gaz à effet de serre, pollution plastique en mer et sur terre, formation de micro- et nanoplastiques…) sont supportées par les collectivités.

Limiter le gaspillage alimentaire

Acheter en vrac permet d’acheter la quantité de produits désirée et ainsi limiter le gaspillage alimentaire. En France, on jette en moyenne 30 kg d’aliments dont 7 kg encore emballés consommables par an et par personne, soit un repas par semaine. Cela équivaut à 100 euros par personne et par an9. Les offres promotionnelles du type «  2 + 1 gratuits » participent aussi au gaspillage alimentaire et nous font dépenser deux fois plus. Le vrac par l’achat de la juste quantité permet de faire des économies mais aussi de ne pas stocker de la nourriture qui viendrait à ne plus être consommable.

Conseils pour consommer en vrac

La première motivation des Français·es pour consommer en vrac est de faire des économies. Acheter la juste quantité permet de maîtriser son budget. Comparer le prix du vrac en conventionnel ou en bio n’est pas aisé mais l’étude de l’Ademe / INC montre que les produits bios en vrac en magasins bios sont moins chers. Si vous souhaitez vous tourner vers une consommation bio, franchir la porte de ces magasins vous permettra de ne pas dépenser trop. Les épiceries vrac indépendantes recherchent plutôt des produits locaux de qualité. C’est une manière de soutenir la production locale alimentaire ou cosmétique.

Si le vrac n’est pas zéro déchet, il permet de diminuer les emballages plastiques. En amenant vos propres contenants, vous limiterez ainsi la production d’emballages.

Consommez-vous des produits en vrac ? A l’inverses, pour quelles raisons n’avez-vous opté pour ce mode de consommation ?

Logo Empreinte Minimale . Au centre les lettres E et M superposés verticalement . Encercle au dessus le texte empreinte minimale, au dessous écologie consciente

Bibliographie :

1 CHAMPION Antoine, REMOND Sophie, Institut National de la Consommation (INC), 2021. Analyse comparative des prix de produits vendus en vrac VS en préemballé. 33 pages.

2 Zéro Déchet, Bea Johnson, Les Arènes, 2013

3 soit un dispositif d’effet équivalent exprimé en nombre de références ou en proportion du chiffre d’affaires

4 Le prix du vrac, le bio moins cher, 60 millions de consommateurs, n°575, décembre 2021

5 Commerces spécialitées vrac, Caractéristiques er Perspectives d’un nouveau modèle de distribution, Synthèse, Réseau Vrac, Septembre 2020

6 Solinnen (Delphine Bauchot, Salomé Leruch, Aurore Philippe-Delvigne, Emma Fermond), Topo Research (S. Diplacido), ADEME (Pierre Galio, Agnès Jalier-Durand, Christophe Marquet), Panorama et évaluation environnementale du vrac en France, synthèse, 2021

7 Chiffre cité dans l’article Le vrai prix du vrac, Kaizen, n°61, mars – avril 2022

8 Plastics: the costs to society, the environment and the economy, executive summary, Dalberg, WWF, 2021

9 Pourquoi gaspillons-nous autant de nourriture ?, article, Agir pour la transition, Ademe, consulté le 03/05/2022

Crédit photo : Markus Spiske via Unsplash pour la photo de couverture

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