un portant montrant une grande quantité de jupes courtes et des pantalons multicolores. Le texte Désencombrer pour vivre plus léger est écrit au-dessus
Ecologie individuelle Minimalisme

Désencombrer pour vivre plus léger

En avril 2021, l’ADEME lance l’opération « Osez changer : Mieux consommer et vivre plus léger »1. Pour cela, elle recrute 21 foyers témoins volontaires à travers la France avec des profils assez diversifiés. Pendant 7 mois, ces familles devront répertorier, trier, désencombrer leur logement et s’engager dans une consommation plus responsable. Elles sont accompagnées de professionnelles du rangement, les home organisers, financées par l’ADEME. Quel est le bilan de ce défi pour ces familles ? Quels bienfaits et bénéfices en tirer ? Comment le mettre en place dans notre logement ?

On possède plus qu’on imagine

Nous possédons en moyenne 2,5 tonnes de meubles et d’électroménagers par foyer ce qui a nécessité l’extraction de 45 tonnes de matières premières et l’émission de 6 tonnes de CO2 pour leur fabrication2. Entre 54 et 110 millions de téléphones portables dorment dans nos tiroirs dont deux tiers sont encore en état de marche, des téléphones que l’on pourraient vendre ou donner. Cette démarche pourrait grandement améliorer le bilan environnemental de ces appareils sachant qu’il faut environ 170 kg de matières premières pour fabriquer un appareil de 200 grammes3. Nous accumulons beaucoup d’objets dans nos foyers et l’impact environnemental de ce stockage n’est pas anodin.

Une femme assise au bord du lit dont on ne voit pas le visage est en train de plier des vêtements : pantalons et hauts
Crédit photo : Sarah Brown via Unsplash

L’opération « Osez changer » de l’ADEME a montré qu’il est difficile d’évaluer ce que l’on possède. Par exemple, pour les chaussures, les adultes du foyer minimisent leurs possessions4. Ils et elles ont deux fois plus de paires que ce qu’ils imaginaient et 3 fois plus que leurs besoins estimés. Les estimations sont plus précises dans la catégorie jeans et écrans. Mais, de manière générale, il existe un décalage entre nos possessions, nos besoins et ce que l’on conserve d’où la nécessité de prendre conscience du nombre d’objets dans nos logements.

Petite revue des objets que nous possédons

D’après l’étude de l’ADEME, les femmes possèdent plus de vêtements et de chaussures que les hommes. 40 % des équipements électriques et électroniques sont des écrans, des smartphones ou de l’audio et de la vidéo. En moyenne, les foyers ont 88 objets rentrant dans la catégorie mobilier. 89 % des outils de bricolage et jardinage sont manuels. 90 % possèdent un vélo. Ces moyennes par catégorie d’objets représente une forte disparité entre les foyers. Par exemple, le nombre de jeux et jouets par foyer varie de 3 à 262, avec une moyenne de 162 avec l’opération de désencombrement. Cela reflète les différences de composition des foyers : personne seule avec ou sans enfants, couple avec un ou plusieurs enfants, couple sans enfants. L’âge des enfants est aussi un facteur important sur le nombre d’objets que l’on possède.

Le tri permet de prendre conscience du nombre d’objets que nous possédons.

Le désencombrement des foyers a permis en moyenne de se séparer de 31 % des objets et jusqu’à 37 % pour la catégorie vêtements et chaussures. Ces objets on été à 52 % donnés, 24 % vendus et recyclés pour les 24 % restants. Ces chiffres montrent une volonté de donner une deuxième vie aux objets et de réduire les impacts environnementaux.

La méthode de désencombrement qui consistait a rassemblé tous les objets d’une même catégorie, de les compter et de les peser a fait prendre conscience aux participant·es du nombre d’objets accumuler dans les logements.

Alors pourquoi acheter autant ?

Dans une société de consommation, acheter des objets neufs est une évidence car il répond à un besoin nécessaire ou non. Il permet de satisfaire une passion (notion de plaisir) ou ce sont des achats impulsifs. Influencés par la publicité et par les normes sociales, nous achetons plus que de raison. Par exemple, les jeunes parents sont une cible marketing car ils et elles souhaitent le meilleur pour leur enfant.

Le besoin de posséder individuellement des objets conduit aussi à une accumulation d’objets. Beaucoup de foyer spossèdent des appareils à raclette, une pierrade, une crêpe party qui sert une à deux fois dans l’année. Les bébés et les jeunes enfants ont besoin de vêtements, de jouets que l’on utilise très peu de temps et que l’on renouvelle très rapidement.

Parfois, la solution passe par l’achat neuf car il est compliqué de louer ou de mutualiser des objets surtout à la campagne. Réparer est parfois impossible car les fabricants ont rendus leurs appareils irréparables. Quand nous n’avons pas les compétences pour réparer, passer par un réparateur coûte plus cher qu’un achat neuf.

Le fameux « au cas où »

Bien souvent on garde certains objets car on se dit que cela pourrait servir… un jour, on ne sait jamais… On garde des vêtements pour les remettre quand on aura perdu du poids. On les conserve pour les enfants ou les petits-enfants ou parce que jeter c’est gaspiller. Bien souvent ces objets finissent par être oubliés. Plus on reste dans un logement et plus on accumule. Et cette accumulation est un luxe car il faut de la place pour stocker. Mais stocker c’est aussi gaspiller car les objets accumulés ne sont pas proposés sur le marché de la seconde main. Ils risquent de s’abîmer et leur durée de vie n’augmente donc pas.

Le désencombrement, un travail fastidieux, chronophage et peu rémunérateur

Tous les foyers étaient accompagnés par des home-organisers qu’ils et elles ont rencontrés cinq fois pendant l’opération. Cet accompagnement leur a permis de ne pas abandonner en cours de route en leur fournissant des objectifs et en fixant des échéances. Ce regard extérieur permet aussi d’avoir un regard neutre lors du tri.

Le tri nécessite du temps

Le tri est une démarche chronophage. En moyenne, les foyers ont consacré 31 heures pour le désencombrement en autonomie et 10 heures avec leur home-organiser réparti sur plusieurs semaines. Il est aussi fastidieux car on se sent bien souvent démuni face à l’ampleur de la tâche. Le désencombrement amène aussi une phase de désordre temporaire source de frustration. Enfin, il est impossible d’éluder le coté émotionnelle du tri.

Le tri est une démarche chronophage et genré, augmentant ainsi la charge mentale des femmes

Une des sources de motivation dans le désencombrement est la vente qui permet de redonner une valeur financière à l’objet. En moyenne, elle a rapporté 300€ par foyer. Cependant, mettre en vente demande des capacités spécifiques : s’inscrire sur le site de vente, rédiger l’annonce, prendre des photos, fixer le prix, gérer les acheteurs potentiels et les envois. Toutes ces tâches prennent du temps. En outre, bon nombre de ces objets ne trouvent pas preneur et finissent par être donnés. Vu le temps consacré à la vente, la rémunération semble faible. Cependant ces sommes ne sont pas anodines mais l’éventuel effet rebond peut aller à l’encontre d’une consommation sobre. On peut s’interroger sur les revenus tirés de la vente de vêtements qui sert à en acheter de nouveaux (neufs ou d’occasion). Si cette somme est épargnée, va-t-elle à des projets à moindre impacts environnementaux ?

Déchets déversés au sol : des poupées, un réveil, des papiers et une structure en métal rouillé
Crédit photo : Becca Mchaffie via Unsplash

Le désencombrement, un travail genré

Sans surprise, le désencombrement est une démarche genrée. 78 % des candidatures à l’opération « Osez changer » de l’ADEME était porté par des femmes. La démarche de tri était aussi porté à 100 % par les femmes dans les couples hétérosexuels. Beaucoup de conjoints participaient à moins de la moitié du temps à l’opération. Cependant les femmes ne possèdent pas plus que les hommes et ne devraient pas être responsables du désencombrement. Certes les femmes possèdent plus de chaussures que les hommes mais pour les jeans, par exemple l’écart est moins grand. De plus, les jouets et les vêtements des enfants, le mobilier, les équipements électriques et électroniques sont des objets communs donc les femmes ne devraient pas porter la charge mentale du tri. Cette répartition genrée du désencombrement est à rapprocher de l’inégale répartition des tâches ménagères.

Les impacts de l’opération

Les impacts de l’opération sont multiples : du gain de place, entre 30 à 50 %, jusqu’à un mieux être au quotidien. L’accompagnement par des professionnelles de l’organisation a permis aux foyers d’acquérir des habitudes pour trier d’autres catégories d’objets même si la peur de se réencombrer est réelle. Des logements plus fonctionnels au quotidien permet de gagner du temps pour le ménage. On ne cherche plus les objets également.

Les achats neufs sont plus réfléchis, la part d’achat d’occasion augmente. Les préoccupations environnementales sont plus présentes et les foyers se tournent vers moins de consommation. La plupart des foyers ont pris des engagements supplémentaires, notamment dans la poursuite du tri dans 40 % des cas même si encore une fois, ce sont les femmes qui prennent le plus de nouveaux engagements.

Cette opération a permis de faire évoluer la représentation de la consommation et les foyers se tournent vers une consommation plus sobre.

Les biais de l’étude

Comme mentionné dans l’étude, il existe de nombreux biais. Tout d’abord, les personnes sélectionnés étaient déjà sensibilisées au tri. 70 % d’entre elles avaient déjà entrepris une démarche de désencombrement sans aller jusqu’au bout. L’accompagnement par une home-organiser était une motivation supplémentaire pour participer à l’opération « Osez changer » de l’ADEME. Si la sélection est assez diversifiée, elle n’est pas représentative de la population française. Les classes supérieures et les femmes sont surreprésentées. La majorité des foyers était des couples avec enfants et 56 % étaient des quadragénaires. Les retraités et les petits logements étaient sous-représentés. Cette étude est avant tout une illustration de la démarche de désencombrement.

De plus, les moyennes citées sont à prendre avec précaution car suivant les foyers, les chiffres varient énormément.

deux personnes noires (un homme et une femme) en train de trier des vêtements. Des cartons avec donations écrits dessus sont posés sur une table
Crédit photo : Gustavo Fring via Pexels

Comment se mettre au désencombrement chez soi ?

L’ADEME accompagne ce rapport d’un guide pour faire le tri chez soi issu des méthodes mises en place lors de l’opération « Osez changer ». Il préconise le tri par objets et donne des solutions pour s’en séparer. Certaines sont plus accessibles que d’autres. En milieu rural, il est plus difficile d’avoir accès facilement à des repair-cafés ou à des lieux de dons. La logistique est donc plus importante.

Le désencombrement est un travail fastidieux et long. Il est important de se fixer des objectifs clairs et réalisables afin de ne pas se décourager. L’opération de tri n’est pas anodine. Nous créons des liens sentimentaux plus ou moins forts avec nos objets donc le tri peut faire émerger d’intenses émotions. Un challenge à plusieurs familles peut être une source de motivation et d’émulation qui permet de se relancer quand le découragement est présent.

Enfin, il est important que les hommes prennent leur part dans le désencombrement. Les femmes ne sont pas les seules responsables des objets accumulés pendant des années et ne doivent pas subir cette charge mentale supplémentaire. Se mettre d’accord sur qui fait quoi dès le départ est donc prioritaire.

Enfin, le conseil le plus important est de ne pas trier les affaires d’une autre personne.

Le tri, une première étape vers la sobriété

L’opération « Osez changer » montre que le désencombrement permet un gain de place important jusqu’à 60 % et de nombreux effets bénéfiques au quotidien. Le tri a permis de prendre conscience du nombre d’objets accumulés dans les logements. Cependant, l’accompagnement par des professionnelles du désencombrement n’est pas négligeable tant la tâche paraît ardue. Malheureusement tout le monde ne peut pas engager une home-organiser et il faut une dose importante de motivation.

Les impacts de l’opération vont au-delà du tri. Premièrement, les foyers continuent de trier après la fin de l’opération utilisant les méthodes éprouvées lors de l’accompagnement. Ils et elles ont aussi appris à se séparer de leur objets de manière plus respectueuse de l’environnement. Ils et elles ont entamé une réflexion sur leur consommation et se tournent vers une consommation plus responsable mais surtout plus sobre.

Cependant, le désencombrement reste un travail genrée. Ce sont les femmes qui sont moteur dans la décision de tri et qui sont responsables du désencombrement soutenue par une idée fausse que les femmes possèdent plus que les hommes. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que le tri soit l’affaire de tous·tes.

Êtes-vous motivé·e pour désencombrer votre logement? Avez-vous déjà tenté l’expérience? Quels bénéfices en avez-vous tiré?

Logo Empreinte Minimale . Au centre les lettres E et M superposés verticalement . Encercle au dessus le texte empreinte minimale, au dessous écologie consciente

Bibliographie :

Osez changer : mieux consommer, vivre plus léger, Ademe, 2022

1 [Opération osez changer] 21 foyers Français désencombrent leur logement avec l’ADEME, dossier de presse, 1 février 2022

2 #ConsoResponsable : L’ADEME a étudié «la face cachée des objets», Dossier de presse, 26 septembre 2018

3 Téléphones portables, une mine d’or dans nos tiroirs, Agir pour la transition écologique, ADEME, 1 avril 2021

4 Cette erreur dans l’estimation est en partie dû aux chaussures spécifiques (bottes, chaussures de randonnées…) et à la saisonnalité. On en porte pas de sandales en plein hiver.

Crédit photo : Lucas Hoang via Unsplash pour la photo de couverture

Vous pourriez également aimer...