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[Livres] Nature, biodiversité et écolieux racontés en BD

Après vous avoir présenté trois BDs sur l’agriculture, je vous propose de découvrir à nouveau trois BDs mais cette fois-ci sur le thème de la nature. Dans un premier temps, Simon Hureau nous emmène dans son jardin devenu un lieu refuge pour la biodiversité. Puis dans Les Terrestres, Raphaelle Macaron et Noël Mamère partent pour un tour de France des écolieux où leurs habitant·es ont décidé de vivre en accord avec la nature. Enfin, on s’envole pour le Japon en compagnie de Catherine Meurisse pour se plonger dans une autre culture et un autre rapport à la nature.

L’oasis, Petite genèse d’un jardin biodivers de Simon Hureau

Un matin, Simon Hureau entend à la radio Nicolas Hulot, ministre de l’écologie parler de l’effondrement de la biodiversité qui a conduit notamment à sa démission. Face à cette annonce pour le moins inattendu, le dessinateur se demande comment il peut agir à son échelle. Il décide de raconter en bande dessinée comment, en 10 ans, il a transformé un jardin lambda en oasis de biodiversité.

Simon Hureau et sa famille décident d’acheter une maison avec le plus important : un jardin. C’est un jardin classique que l’auteur qualifie d’extérieur avec une pelouse, trois arbres et peu de vie. Sans plan, sans avoir consulté de livres particuliers, sa femme, sa fille et lui commencent à arracher les haies monospécifiques (Simon Hureau a une aversion pour le thuya et je le comprends) puis plantent de nouveaux arbustes : des rejets de lilas déjà présents dans leur jardin, des plantes glanées dans la nature et des achats en jardinerie. L’important est d’avoir des haies diversifiées. Simon Hureau veille aussi à accueillir la petite faune en laissant des tas de pierres et des fagots de bois. L’eau tient une place importante dans son jardin.

Difficile de résumer tous les aménagements de son jardin en quelques lignes car cette BD résument 10 ans de vie tout de même. Mais j’ai apprécié toutes les descriptions et les dessins des insectes, des reptiles, des papillons ou des oiseaux qui peuplent son jardin. En un mot, plus l’auteur et sa famille ont multiplié les plantes et la biodiversité végétale et plus toutes sortes d’animaux sont venus peupler cet oasis. Alors tout n’est pas parfait. Les chats, les leurs et ceux des alentours, posent souvent des problèmes. Et puis il faut aussi faire avec le voisinage qui préfère souvent un espace bien tondu parce que cela fait propre. Malgré les erreurs, Simon Hureau a réussi son pari : faire revenir la biodiversité dans un jardin à bout de souffle et créer un havre de paix pour lui et sa famille et une multitude d’animaux.

Les terrestres de Raphaelle Macaron et Noël Mamère

Raphaelle Macaron et Noël Mamère forment un duo improbable, lui l’écolo convaincu et elle, l’artiste qui n’ a jamais entendu parlé de collapsologie. Ensemble, iels partent à la découverte d’écolieux à travers la France et de personnes qui ont décidé de changer de vie pour vivre avec et non contre la nature. A travers six reportages dessinés, nous découvrons des modes de vie différents, des lieux autosuffisants mais aussi toute une réflexion politique sur le combat de ces habitant·es.

Notre-Dame-des-Landes, le Béarn ou la Bretagne, toutes ces rencontres aussi différentes les unes que les autres sont une sorte de formation accélérée à l’écologie pour Raphaelle Macaron. Elle, qui a vécu la guerre au Liban à travers les récits de ses parents, est totalement éloignée de ces problématiques. Au côté de Noël Mamère, elle va se confronter à d’autres modes de vie. Pourtant, elle va vite se heurter à l’éco-anxiété car parler d’effondrement de la société quand on y a jamais pensé n’est pas chose facile à gérer. Faut-il y croire ou pas ? Ce thème est sous-jacent dans cette BD.

Toutes les personnes qui ont choisies cette vie alternative ont des points de vue différents sur cette question. D’ailleurs, leurs motivations dépendent beaucoup du lieu où ils vivent. Qu’on parte pour une ZAD, qu’on autoconstruit sa maison ou qu’on soit maire d’une commune, les problématiques sont très différentes. A travers les questionnements de Noël Mamère, on parle très vite de politique et d’économie mais l’ancien député ne juge jamais. Par son écoute attentive, on parle plutôt de résilience et d’autosuffisance même si les combats politiques ne sont jamais loin. L’écologie est avant tout politique.

Le choix de couleurs pop, du style se rapprochant du comic américain et la mise en image des émotions et des peurs de Raphaelle Macaron contribue aussi à la dédramatisation du sujet de la BD. Le choix de confronter deux générations, Noël Mamère né en 1948 et Raphaelle Macaron né en 1990 en fait aussi son succès. Que l’on parle de fin du monde ou de la fin d’un monde, peu importe, cette BD est surtout là pour nous rappeler que les alternatives existent.

La jeune femme et la mer de Catherine Meurisse

Catherine Meurisse voudrait peindre la nature et séjourne au Japon pour y trouver l’inspiration. Elle y rencontre un peintre japonais qui lui veut peindre une femme mais compose plutôt des haïkus. Ensemble, ils séjournent dans le onsen de Mademoiselle Nami, perdu dans la montagne. Mademoiselle Nami est une femme mystérieuse qui lit l’arrivée des typhons en observant la mer et laisse partir ses maris, les uns après les autres, au « front ». Le front désigne une guerre contre la nature souvent destructrice au Japon : séismes, tsunamis, tempêtes, éruptions volcaniques… Mais la dessinatrice y voit seulement sa beauté envoûtante qui l’empêche de dessiner. Elle sera guidée par un tanuki, cet animal mythologique japonais, tout au long de son périple.

Dans cette BD, Catherine Meurisse arrive à nous faire ressentir le décalage entre nos deux cultures. Cette nature qui nous apaise est au Japon une nature qui peut être meurtrière. Les Japonais·es en ont bien conscience. Malgré la barrière de la langue, notre peintre-dessinatrice arrive a se faire comprendre et découvre un pays aux paysages magnifiques si bien retranscrits dans la BD. On n’échappe pas aux clichés avec les fameuses toilettes japonaises qui apportent une touche d’humour au récit. Mais on aborde aussi une thématique plus spirituelle avec une discussion entre les deux peintres sur leur façon d’aborder leur art, la peinture. On touche du doigt l’impermanence. Comme le dit si bien le peintre japonais à propos de la poésie :  « A mon avis, aucun Occidental ne peut comprendre les haïkus, ni en composer. C’est hors d’atteinte. » Et je pense que cela s’applique à bien des domaines de la culture japonaise. Peut-on vraiment comprendre le Japon, un pays si différend du nôtre ?

Catherine Meurisse montre aussi le télescopage entre un Japon moderne avec ces barrières en béton anti-tsunami et un Japon ancestral, ses temples et sa mythologie représentée par le tanuki. Les Japonais·es se déconnectent-iels pas peu à peu de la nature?

Cette BD La jeune femme et la mer est un vrai bijou. On entrevoit l’humour de Catherine Meurisse mais aussi sa grande sensibilité avec une question centrale : quelle relation souhaitons-nous entretenir avec la nature ?

Enfin, ce que j’ai aussi aimé dans la BD, ce sont les planches des paysages au format A4 qui sont à couper le souffle.

Dans ses remerciements, Catherine Meurisse précise que sa BD est fortement inspirée du livre Oreiller d’herbes de SOSEKI Natsume (traduction René de Ceccatty, Edition Rivages Poche). Une idée pour une future lecture peut-être.

Avez-vous lu une de ces BDs? Quelle est la dernière BD que vous avez lu?

Crédit photo : Emily (Pexels) pour la photo de couverture

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