8 smartphones noirs sauf le septième bleu empilés les uns sur les autres avec le titre de l'article écrit au-dessus en violet. On voit le logo pomme de apple. Tous les smartphones sont noirs sauf un, l'avant dernier en haut qui est bleu. Au dessus est écrit Le coût écologique du smartphone, titre de l'article
Numérique Pollution

Le coût écologique d’un smartphone

Le smartphone est devenu un objet quotidien : il nous sert à téléphoner, surfer sur internet, scroller sur les réseaux sociaux, prendre des photos, écouter de la musique… En un mot on ne peut plus s’en passer. En 2020, 84 % des Français·es possédaient un smartphone. Plus on est jeune et plus on est équipé (90 % des 12 – 40 ans)1.

Les fabricants multiplient les modèles chaque année en ajoutant, en améliorant des fonctionnalités ou en changeant de design. En 2019, près de 100 modèles de smartphones ont été commercialisés sur le marché français2. En 2022, Samsung prévoit de lancer 52 nouveaux modèles3. Cette avalanche pourrait expliquer que les possesseurs de smartphones (83%) préfèrent acheter un produit neuf et qu’ils ou elles le renouvellent très régulièrement. Les smartphones restent des appareils fragiles manipulés à longueur de journée. Les dysfonctionnements totaux ou partiels nous obligent à les remplacer (dans plus de 50 % des achats). Selon le baromètre du numérique1, le smartphone a moins de 3 ans dans 84 % de cas, une durée de vie faible. Enfin les personnes aisés optent généralement pour un téléphone neuf.

Entre 54 et 113 millions de téléphones portables dorment dans nos tiroirs4. Une personne sur deux conserve son ancien téléphone car elle pense qu’il peut encore lui servir. Moins d’un smartphone sur deux finit dans une filière de réemploi, formel ou informel, ou de recyclage1.

Toujours plus de modèles, une durée de vie faible, le réemploi et le recyclage boudés, des achats d’appareils neufs, le coût écologique des smartphones pour la planète est élevé. Tout au long de son cycle de vie, le smartphone a des impacts environnementaux et sociaux. Petit tour d’horizon.

4 cartes smartphones tenus par une main comme les cartes d'un jeu de carte. Le permier est noir, le deuxième gris, le troisième rose, le quatrième bleu clair. on voit les coques des smartphones
Crédit photo : Daniel Perron via Unsplash

Les impacts environnementaux du smartphone

Extraction des matières premières, fabrication, transport, utilisation et fin de vie sont les principales étapes du cycle de vie d’un smartphone. Nous sommes surtout focalisé·es sur l’utilisation car c’est à ce moment que nous avons notre appareil entre les mains. Les autres étapes sont lointaines et attirent peu notre attention. Pourtant la phase d’utilisation n’est pas la plus impactante pour l’environnement. La phase de fabrication, de l’extraction des minerais à l’assemblage final, est la plus dommageable pour l’environnement. Elle représente trois quarts des impacts, due à l’extraction des matières premières pour la fabrication des composants5. En se basant sur des analyses de cycles de vie, l’épuisement des ressources minérales, l’émission de gaz à effet de serre, la pollution de l’eau douce sont les trois catégories qui ont le plus d’impacts5,6.

La phase de fabrication d’un smartphone représente les 3/4 des impacts du smartphone.

Les impacts du smartphone, Clés pour agir, ADEME, 2019

Se limiter à l’impact carbone dans le domaine du numérique est trompeur. Sans nier l’émission de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie du smartphone, l’extraction des minerais est très problématique pour plusieurs raisons.

L’extraction des minerais, une multitude d’impacts

« Un smartphone traîne derrière lui un sac à dos de 70 kg, soit 600 fois son propre poids. », selon Friedrich Schmidt-Bleek7. Guillaume Pitron avance même le chiffre de 150 kg dans un entretien à Reporterre8. Ces chiffres illustrent le concept de sac à dos écologique9. Il faut une quantité non négligeable de matières premières pour fabriquer chacun des objets que nous utilisons. Pour les appareils électriques contenant une grande quantité de composants électroniques comme les smartphones, il faut extraire entre 50 et 350 fois plus en masse de matières premières par rapport au poids final de l’objet10. Ceci est d’autant plus vrai que la teneur en métaux dans le minerai est faible. Par exemple, pour extraire une tonne de cuivre il faut déplacer plus 8 000 tonnes de roches11. Or la concentration de métaux diminue de plus en plus dans le minerai.

Aujourd’hui, un smartphone contient plus de 70 matériaux différents que l’on peut répartir en trois groupes12 :

  • Les plastiques et les matières synthétiques
  • le verre et les céramiques
  • les métaux.

On retrouve jusqu’à une cinquantaine de métaux différends dans un téléphone : des métaux ferreux et non ferreux (cuivre, aluminium, zinc, étain, nickel, chrome…), des métaux précieux (or, argent, platine, palladium…), des métaux rares (europium, gallium, indium, tantale, tungstène, yttrium, germanium…), du lithium et du cobalt pour les batteries.

Comme la demande numérique explose, le nombre de composants électroniques fabriqués croît de façon exponentielle ce qui participe à l’épuisement rapides des ressources minières. Certains métaux sont presque exclusivement destinés au secteur du numérique. L’indium, présent dans les écrans tactiles est à 80 % à destination du secteur électronique, 90 % pour le gallium13.

Les métaux rares en Chine

L’extraction et le raffinage des différents minerais contribue majoritairement à l’impact environnemental du smartphone. Les mines sont situés dans un nombre limité de pays. La Chine concentre la quasi totalité de la production de métaux comme l’indium, le gallium ou des terres rares comme le praséodyme et le néodyme. Cette production a été délocalisée en Chine au début des années 2000 alors qu’elle était exploité dans la mine de Moutain Pass aux États-Unis. Le raffinage des minerais a entraîné plus de 2 millions de litres d’eau polluée déversées dans l’environnement d’après des associations environnementales. Devant le scandale environnemental, les États-Unis ont fermé la mine14. Depuis cette pollution a été déplacée en Chine dans la région de Baotou, en Mongolie Intérieure15. Les dégâts environnementaux suite à l’exploitation des mines sont considérables. La purification de ces minerais nécessite énormément d’eau et entraîne de nombreuses pollutions (rejets d’eau acide, dégradation des sols, destruction des végétaux). Ces eaux et les boues résiduelles contiennent notamment du thorium, un élément radioactif16. L’extraction d’une tonne de métaux rares produit une tonne de déchets radioactifs17. Autour de la mine chinoise, toutes ces pollutions sont responsables de graves problèmes de santé pour les travailleur·ses et les villageois·es. Il existe ce que l’on a surnommé des « villages du cancer » tant le taux d’incidence était important. En 2006, le taux de mortalité par cancer était de 71 %.

de gauche à droite une tablette posée sur une surface blanche et tenue par deux mains du bout des doigts, un smartphone et un deuxième smartphone. Tous ces appareils ont une coque blanche et sont vue face écran. en haut à droite des écouteurs sans fils et des écouteurs avec fil tous blancs
Crédit photo : Cottonbro via Pexels

Le coltan en République Démocratique du Congo

La République Démocratique du Congo (RDC) détient la majorité des réserves de coltan, utilisé dans nos smartphones. La production du coltan et d’autres minerais étant très lucrative, elle a financé les conflits armés dans les années 2000. Les populations locales sont aussi exploitées pour travailler dans ces mines avec du travail forcé, le non-respect des droits humains, des salaires trop bas18. Dans ces mines à ciel ouvert, le travail des enfants est toujours monnaie courante malgré les annonces du gouvernement congolais d’y mettre fin. En 2014, l’Unicef estimait que 40 000 enfants travaillaient dans ces mines19. L’entrée en vigueur dans l’Union Européenne depuis le 1er janvier 2021 sur le modèle de la loi Dodd-Frank aux Etats-Unis (datant de 2010) de l’obligation de traçabilité pour certains minerais comme le tantale issu du coltan ne devrait pas mettre fin à l’exploitation des mineurs (adultes et enfants) en RDC20.

Le lithium en Amérique du Sud

Le lithium, utilisé dans les batteries de nos smartphones, provient d’Amérique du Sud (Argentine, Bolivie, Chili) et détient plus de 50 % des réserves mondiales estimées21. L’extraction minière demande une grande quantité d’eau. Or les mines situées dans des régions arides, le salar d’Atacama au Chili, le salar d’Uyuni en Bolivie, provoquent des conflits d’usages avec les populations locales. Les sels de lithium sont récupérés par évaporation sous l’effet du soleil, passant de piscines en piscines, mesurant 5 kilomètres de long pendant douze à dix-huit mois22. Il faut environ 2,2 millions de litres d’eau pour produire une tonne de lithium23. Cette extraction n’est pas sans dommage sur l’environnement : pollution de l’air et de l’eau par les produits chimiques utilisés, dégradation des sols…

L’extraction des minerais est responsable de la majeure partie de l’impact environnemental des smartphones. Les impacts environnementaux et sociaux sont très nombreux. Les mines propres n’existent pas d’autant qu’elles sont situées dans des pays lointains (Chine, République Démocratique du Congo, Amérique du Sud dans les exemples cités) où les réglementations ne sont pas aussi stricts qu’en Europe. Comment peut-on limiter notre impact tout en continuant d’utiliser un smartphone ?

Les smartphones reconditionnés, allonger leur durée de vie et diminuer leur impact

L’ADEME a réalisé une analyse de cycle de vie (ACV) d’un smartphone reconditionné et l’a comparé avec celle d’un smartphone neuf24. L’impact environnemental du smartphone est principalement dû à la phase de fabrication. Donner plusieurs vies à un téléphone portable permet de diminuer sont coût environnemental d’où l’intérêt du réemploi.

Dans l’étude, un produit est considéré comme reconditionné s’il est contrôlé et sous garantie. C’est différent d’un produit d’occasion qui peut être vendu par le biais de petites annonces, par exemple. De ce fait, les reconditionneurs sont amenés à vérifier l’appareil et à changer certaines pièces.

Acheter un produit reconditionné d’un point de vue environnemental à deux avantages :

  • éviter la production d’un appareil neuf
  • donner une seconde vie à un équipement existant et déjà amorti.

Les résultats de l’ACV sont probants : acheter un smartphone reconditionné par rapport à un neuf permet d’éviter entre 77 et 91 % des impacts par an, la production annuelle de 82 kg de matières premières et le rejet de 25 kg de gaz à effet de serre pour chaque année d’utilisation.

Si l’achat d’un smartphone reconditionné est vertueux pour l’environnement, qu’en-t-il d’un téléphone neuf que l’on garde longtemps ? Même en utilisant son téléphone portable acheté neuf pendant 6 ans, il émettrait plus de gaz à effet de serre et participerait plus à l’épuisement des ressources qu’un smartphone reconditionné de 3 ans acheté après une première vie de 3 ans.

En 2020, en France, il s’est vendu 16 millions de smartphones neufs contre 2,8 de smartphones reconditionnés25.

un smartphone dont la coque a été enlevé. On voit les composants comme une batterie lithium, des composants électroniques et des puces électroniques. Il est posé sur un fond noir
Crédit photo : Tyler Lastovich via Pexels

Le recyclage des smartphones, une réponse partielle

Plus d’un·e Français·e sur deux gardent son ancien téléphone portable, 28 % optent pour le réemploi et 14 % pour le recyclage¹. Une mine urbaine de minerais dort dans nos tiroirs mais seulement 5 % des smartphones sont recyclés en France17. Si une cinquantaine de métaux composent notre smartphone, seul une vingtaine est recyclé. Les métaux précieux, or, argent, platine et palladium même présents en faible quantité (< 400 ppm) mais du fait de leur haute valeur ajoutée sont récupérés. Le cuivre, l’inox ou l’aluminium en quantité beaucoup plus importante sont également recyclés car économiquement rentable.

Le recyclage d’un smartphone comporte plusieurs étapes26 :

  • La batterie est retirée puis recyclée à part,
  • Les plastiques sont triés : ceux non bromés sont transformés en pièces pour automobile, les plastiques bromés sont incinérés,
  • une partie des métaux est recyclée,
  • les écrans sont incinérés.

Ce processus est complexe et nécessite des installations spécifiques car les téléphones contiennent des éléments toxiques comme des métaux lourds ou des polluants organiques persistants. Le recyclage demande de l’énergie donc seuls les métaux facilement récupérables et économiquement rentables sont récupérés, en premier lieu, l’or. Beaucoup de métaux en trop faible quantité et très dispersés sont simplement perdus. Une partie du téléphone, dont certaines pièces contiennent des produits dangereux comme le brome, est simplement brûlée.

Selon Ecosystem, les trois quarts de la matière est recyclée, évitant 9 kg de CO2 et économisant 2 kg de matières premières27. Il reste de nombreux obstacles avant d’atteindre un recyclage à quasi 100 % d’un téléphone portable. Le recyclage n’est donc pas la solution parfaite et doit être utilisé en dernier recours.

Comment limiter le coût écologique de son smartphone ?

L’impact écologique d’un smartphone est important, surtout dû à sa phase de fabrication et aux différents métaux qu’il contient. La fin de vie de l’appareil est aussi problématique à cause d’une faible collecte des téléphones et un recyclage loin d’être parfait.

Pour limiter le coût écologique de votre smartphone, il faut :

Pour les professionnels et les politiques :

  • mettre fin à la vente de smartphones avec subvention d’achat qui poussent 86 % des personnes à acheter un téléphone neuf1
  • développer la collecte de téléphones portables pour favoriser le réemploi
  • améliorer le recyclage
  • obliger les constructeurs à écoconcevoir les smartphones et les rendre réparables sur le modèle du Fairphone
  • interdire les mises à jour logiciels conduisant à un ralentissement ou un arrêt du fonctionnement des applications
  • ne pas vendre systématiquement des accessoires, les écouteurs par exemple
  • développer le chargeur universel
  • limiter la publicité incitant à renouveler régulièrement son smartphone en pratiquant par exemple la méthode name and shame
  • assurer une transparence sur l’approvisionnement en métaux

Connaissiez-vous les impacts écologiques de votre smartphone? Êtes-vous prêt·e à allonger sa durée de vie?

Logo Empreinte Minimale . Au centre les lettres E et M superposés verticalement . Encercle au dessus le texte empreinte minimale, au dessous écologie consciente

Bibliographie :

1 Baromètre du numérique, édition 2021, Crédoc

2 Combien de smartphones différents les marques ont-elles sorti en un an ?, Frandroid, consulté le 05/02/2022

3 En 2022, Samsung prévoit de lancer un nombre astronomique de nouveaux smartphones, Clubic, consulté le 05/02/2022

4 Collecte des téléphones mobiles : les acteurs de la filière française se mobilisent, Afnum, consulté le 07/02/2022

5 Les impacts du smartphone, Clés pour agir, ADEME, 2019

6 Le numérique en Europe, une approche des impacts environnementaux par l’analyse du cycle de vie, rapport, GrennIT, 2021

7 Le lourd fardeau que représente l’utilisation irrationnelle des ressources, Interview de Friedrich Schmidt-Bleek, consulté le 07/02/2022

8 Guillaume Pitron : « Un téléphone portable ne pèse pas 150 grammes, mais 150 kilos », Reporterre, consulté le 07/02/2022

9 La stratégie du facteur 10 et du sac à dos écologique, Les cahiers du développement durable, consulté le 07/02/2022

10 Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipements, Synthèse, ADEME, 2018

11 Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipements, Dossier de presse, ADEME, 2018, consulté le 07/02/2022

12 L’empreinte cachée des smartphones, France Nature Environnement, 2017

13 Introduction aux impacts environnementaux du numérique, Kevin Marquet, Jacques Combaz, Francoise Berthoud, Bulletin de la Société Informatique de France, 2019

14 La mine de Mountain Pass a rouvert en 2017 suite aux tensions d’approvisionnement en terres rares sur le marché, la Chine détenant un quasi monopole.

15 Les métaux : des ressources qui pourraient manquer ?, infographie, ADEME, consulté le 07/02/2022

16 Les terres rares : quels impacts ?, Ecoinfo, consulté le 08/02/2022

17 Le smartphones une relation compliquée, infographie, ADEME, consultée le 07/02/2022

18 Comment le « boom des minerais » augmente la violence en Afrique, Nicolas Berman, The Conversation, consulté le 08/02/2022

19 Entre souffrances et espoirs, le chemin tortueux des enfants pour sortir du travail des mines dans l’Est de la RD-Congo, Equal Times, consulté le 08/02/2022

20 L’Union européenne impose le traçage des métaux rares pour lutter contre le trafic des « minerais du conflit », FranceInfoTV, consulté le 08/02/2022

21 Les pressions sur l’eau, face ignorée de la transition énergétique, Emmanuel Hache, Charlène Barnet, Gondia Sokhna Seck, The conversation, consulté le 08/02/2022

22 Au Chili, tout pour le lithium, au détriment de l’environnement, Marion Esnault, Reporterre, consulté le 08/02/2022

23 Les « champs de lithium » d’Amérique du Sud loin d’être anodins, Euronews, consultée le 08/02/2022

24 Évaluation de l’impact environnemental d’un ensemble de produits reconditionnés – synthèse intermédiaire smartphone, ADEME, 2022

25 Renouvellement des terminaux mobiles et pratiques commerciales de distribution, ARCEP, 2021 consulté le 09/02/2022

26 Comment donner une seconde vie à nos anciens téléphones mobiles?, Infographie, Ecosystem, consulté le 10/02/2022

27 Téléphone portable, Ecosystem, consulté le 10/02/2022

Crédit photo : Gabriel Freytez via Pexels pour la photo de couverture

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