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Le chocolat, un plaisir coupable pour la planète?

Quel est l’impact de notre consommation de chocolat sur la planète et sur les producteurs de cacao  ? Entre Noël, la Saint-Valentin et Pâques, les occasions ne manquent pas pour déguster du chocolat. Mais connaissons-nous vraiment les impacts sociaux et environnementaux de notre amour pour le chocolat ? Et surtout pourra-t-on toujours manger notre carré de chocolat sans culpabiliser ?

Notre consommation de chocolat

La consommation de chocolat se fait essentiellement dans les pays riches, Europe et Amérique du Nord en tête. En France, nous en consommons en moyenne 13 kg par an et par foyer, un tiers sous forme de tablettes, un quart dans des pâtes à tartiner et le reste sous forme de barres, de confiseries ou dans les poudres chocolatées du petit déjeuner1. La particularité des Français·es est de préférer le chocolat noir. Nous en consommons environ 30 % contre 5 % en moyenne en Europe.

Répartition des ventes par catégories en 2021 en grandes et moyennes surface (source : Syndicat du chocolat)
Répartition des ventes par catégories en 2021 en grandes et moyennes surface (source : Syndicat du chocolat)

Nous sommes littéralement accro au chocolat à tel point que la production de cacao ne cesse d’augmenter depuis les années 60 et devrait croître de 20 % entre 2020 et 2025.

Le cacao, une culture coloniale

Le cacaoyer est originaire d’Amérique Latine. Il était utilisé par les peuples précolombiens (Olmèques, Mayas, Aztèques) comme boisson dans leurs rituels. Réservé aux élites, c’était une boisson froide et amère.

Après la colonisation espagnole, le chocolat arrive en Europe, à la cour espagnole puis française et chez les élites italiennes. Cultivé d’abord en Amérique du Sud et Centrale par des esclaves africains, la consommation du chocolat se démocratise peu à peu grâce l’industrialisation du processus de transformation. Le 19ème siècle voit la naissance des grands noms du chocolat comme Nestlé, Lindt, Cadbury. Le chocolat ne se consomme plus exclusivement comme boisson mais sous forme de barres ou de tablettes2. Par exemple, la célèbre barre chocolatée suisse, le Toblerone, a vu le jour en 1908.

Au tournant du 20ème siècle, les cacaoyers sont introduits sur l’île de Sao Tomé, au large du Gabon, puis au Ghana et en Côte d’Ivoire, des pays sous domination coloniale. Aujourd’hui encore, les pays de l’Afrique de l’Ouest, Côte d’Ivoire et Ghana, produisent plus de 60 % de fèves de cacao1.

Source : Kristiana Pinne (Unsplash)

Produit dans le Sud, transformé dans le Nord par de grands industriels comme Nestlé, Mars, Mondelez, Cadbury, Lindt ou Ferrero et consommé dans les pays riches, le cacao est resté une culture coloniale. De ce fait, les impacts écologiques et sociaux sont désastreux.

L’impact environnemental de la culture du cacao

Les cacaoyers poussent dans des régions chaudes et humides situées entre les deux tropiques, que l’on appelle la ceinture du cacao. La Côte d’Ivoire comme le Ghana sont donc des régions idéales pour cette culture. Traditionnellement cultivé sous ombrage en Amérique, la culture du cacao est faite en plein soleil en Afrique. En conséquence, la Côte d’Ivoire a perdu 80  à 90 % de sa forêt en 30 ans selon l’ONG Mighty3. Cette déforestation menace la faune et la flore. Les populations de chimpanzés, d’éléphants, d’hippopotames nains, de pangolins, de léopards diminuent au fur et à mesure que les arbres sont coupés pour faire place aux cacaoyers. A la suite de la publication de ce rapport, les grandes entreprises chocolatières se sont engagés à mettre fin à la déforestation causée par l’expansion de la culture du cacao. Pourtant, aujourd’hui, ce but n’est toujours pas atteint. Le déforestation continue4.

Évolution de la déforestation en Côte d'Ivoire entre 1990 et 2019 (Source Mighty)
Évolution de la déforestation en Côte d’Ivoire entre 1990 et 2019 (Source Mighty)

Avec ce type de production sans ombrage, les cacaoyers font toujours face aux maladies fongiques et aux ravageurs. Les producteurs ont donc recours aux pesticides pour lutter contre les maladies et les insectes. Si la production en plein soleil augmente à court terme, cette monoculture sans ombrage et très spécialisée a toujours besoin d’engrais pour pousser (environ deux fois par an).

La culture du cacao a un impact environnemental élevé : déforestation, perte d’habitat pour la faune et la flore, pollutions dus aux engrais et aux pesticides, émissions de gaz à effet de serre, énergie consommée lors de la phase de transformation. En moyenne, un kilo de chocolat émet entre 2,1kg CO2eq pour la chocolat noir et 4,1 kg CO2eq pour le chocolat blanc. L’empreinte carbone du chocolat au lait est de 3,6 kg CO2eq5.

L’impact social de la culture du cacao

Sur les 4 millions de tonnes de fèves de cacao produites chaque année, 90 % proviennent de 5 à 6 millions de petits producteurs6. En effet, la culture du cacao demande beaucoup de travail manuel, peu mécanisable. Cette organisation les affaiblit par rapport aux grandes multinationales du chocolat d’autant plus que les prix de cacao sont bas à cause de la surproduction chronique et de la pression des grandes entreprises. De ce fait, les agriculteurs ivoiriens vivent sous le seuil de pauvreté. Ils touchent en moyenne 50 % d’un revenu qui leur permettrait de vivre décemment.

Source : Pixabay

Dans les plantations, on ne peut pas exclure le travail des enfants. En 2021 Mars et Hershey étaient poursuivis en justice aux États-Unis par huit enfants, aujourd’hui adultes, affirmant avoir été utilisé comme esclaves en Côte d’Ivoire.

Les femmes travaillent aussi dans ces plantations en plus de leurs autres activités2. Mais elles n’ont que peu ou pas accès aux coopératives, quand elles existent, et n’en sont que très rarement membres ou élues.

Nos actes d’achat, responsables des impacts environnementaux et sociaux du chocolat ?

Le chocolat est un produit emblématique de la mondialisation. Cultivé au Sud, il est transformé et consommé dans les pays du Nord. Si ces dernières années, des usines de transformations voient le jour en Côte d’Ivoire, le marché est tenu par de grandes multinationales de négoce et de transformation. Les cacaos de divers provenances sont mélangés pour fabriquer des produits chocolatés, une grande partie de notre consommation. Cependant, comme pour le vin, il existe des terroirs et différentes variétés de cacaoyers dont les trois principales sont : le Criollo, le Forastero et le Trinitario. Mais la mondialisation nous a habitué à un goût standardisé.

Bien que la consommation mondiale de chocolat augmente, le secteur fait toujours face à la surproduction. En conséquence, le prix du cacao est toujours faible entraînant déforestation et utilisation de pesticides et d’engrais. Sur le plan social, les producteurs n’arrivent pas à se verser un salaire décent. La pauvreté et le travail des enfants n’est pas enrayé. Selon La Croix, « seulement 6 % du prix d’une tablette de chocolat revient au cacaoculteur. »

Les étapes de production et de la transformation de la fève et fabrication du chocolat. (Source : BASIC)
Les étapes de production et de la transformation de la fève et fabrication du chocolat. (Source : BASIC)

Pistes pour continuer à consommer du chocolat

Nous sommes accros au chocolat souvent dans des produits transformés dont on ignore bien souvent la provenance du cacao.

Source : Pixabay

Tout d’abord et comme souvent, il faudrait consommer moins mais mieux en privilégiant les produits dont le premier ingrédient est le chocolat et non le sucre. Par exemple, Lindt commercialise une tablette de chocolat noir sous la marque Lindor avec pour premier ingrédient le sucre ! Il en est de même pour les pâtes à tartiner.

Ensuite, privilégiez les chocolats issus du commerce équitable et/ou de l’agriculture biologique. Cela permet de garantir un prix juste et rémunérateur au producteur et encourager la culture respectueuse de l’environnement comme l’agroforesterie. La certification Max Havelaar ou les marques Ethiquetable ou AlterEco sont bien connus et disponibles en grandes surfaces.

Accepter de payer quelques centimes de plus et si besoin diminuer sa consommation. Le bon chocolat est un produit de luxe.

N’hésitez pas déguster des chocolats de diverses provenances : Pérou, Haïti, Madagascar ou du chocolat cru.

Faites-vous attention à la provenance de votre chocolat ?

Sources :

1 Chiffres clés 2021 du secteur, Syndicat du chocolat.

2 La face cachée du chocolat, Basic, 2016

3 La déforestation amère du chocolat, Mighty Earth, 2017

4 Sweet Nothings, How the Chocolate Industry has Failed ti Honor Promises et End Deforestation for Cocoa in Cote d’Ivoire and Ghana, Mighty Earth.

5 Homa Hosseinzadeh-Bandbafha, Mohammadali Kiebadroudinezhad, Environmental Impacts of Chocolate Production and Consumption, Trends in Sustainable Chocolate Production, 2022

6 Marcela Hernández-Ortega, Carla Patricia Plazola-Jacinto, Lourdes Valadez-Carmona, State-of-the-Art Chocolate Manufacture, Trends in Sustainable Chocolate Production, 2022

Crédit photo : Alexandre Brondino (Unsplash) pour la photo de couverture

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