Climat

GIEC : S’adapter, une réponse au changement climatique

La première partie du sixième rapport du GIEC montrait de façon indiscutable l’influence humaine sur le changement climatique, avec la hausse de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes (canicules, sécheresses, pluies diluviennes…). Ces changements s’accélèrent et affectent toutes les régions du globe. Certaines conséquences comme l’augmentation du niveau des mers sont irréversibles. S’il est encore temps d’agir pour limiter le réchauffement climatique global à 1,5°C, les mesures d’adaptation sont inévitables pour faire face au réchauffement actuel.

Le rapport en quelques chiffres

Dans la deuxième partie de ce rapport du GIEC, les scientifiques s’intéressent aux impacts, à l’adaptation et aux vulnérabilités dus au changement climatique. Paru en février 2022, ce travail conséquent, le rapport final fait plus de 3600 pages, a été réalisé par 270 auteur·rices représentant 67 pays issu·es à 43 % de pays en développement. Iels ont été assisté par 675 auteur·rices collaborateur·rices. 41 % des auteur·rices étaient des femmes. Ce rapport évalue plus de 34 000 articles scientifiques et a fait l’objet de plus de 62 000 commentaires.

Pour cet article, je me suis contentée de lire le résumé aux décideur·es et quelques parties du rapport technique et du rapport complet. Vous pouvez retrouver la bibliographie complète en fin d’article.

Interdépendance entre le climat et les écosystèmes

Ce deuxième rapport reconnaît l’interdépendance entre le climat, les écosystèmes, la biodiversité et les sociétés humaines. Le changement climatique entraîne des impacts et des risques pour l’ensemble des êtres vivants de la planète. Pour y faire face, les sociétés et les écosystèmes devront s’adapter. Cependant, le changement climatique n’est pas la seule menace. La perte de biodiversité, la consommation non durable de ressources naturelles comme l’eau, la dégradation des sols et des écosystèmes, l’urbanisation rapide, la croissance démographique, les inégalités sociales et économiques ainsi que la pandémie du Covid-19 sont aussi des dangers à prendre en compte. L’évaluation des impacts, des risques et des vulnérabilités est donc complexe. L’adaptation en plus de la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être conduite de façon réfléchie afin de ne pas aggraver les problèmes.

« Le changement climatique fait peser une menace grave et grandissante sur notre bien-être et la santé de la planète. »

Hoesung Lee, président du GIEC

Les impacts actuels et futurs du changement climatique

Le changement climatique dû à l’influence humaine conduit à des événements extrêmes de plus en plus fréquents et intenses. Il entraîne des effets néfastes généralisé avec des pertes et des dommages pour la nature et les populations. Si les quelques efforts d’adaptation peuvent être notés réduisant la vulnérabilité, les personnes et les systèmes les plus fragiles sont affectés de manière disproportionnée. Certains impacts étant irréversibles, il n’est pas possible pour les humains et la nature de s’adapter. Enfin, le changement climatique contribue aux crises humanitaires quand les aléas climatiques interagissent avec la grande vulnérabilité.

3,3 à 3,6 milliards de personnes sont vulnérables au changement climatique avec des différences considérable d’une région à une autre. Le développement socio-économique, les inégalités, le colonialisme contribue aussi à augmenter cette vulnérabilité. Entre 2010 et 2020, la mortalité humaine causée par les inondations, les sécheresses ou les tempêtes était 15 fois plus élevée dans les régions hautement vulnérables.

Carte de la vulnérabilité humaine vis-à-vis du changement climatique
Carte de la vulnérabilité humaine vis-à-vis du changement climatique

Tous les écosystèmes sont touchés

Les écosystèmes, les populations, les infrastructures sont impactés par le changement climatique global. On observe la hausse de la mortalité humaine due à la chaleur, le blanchiment et la mort du corail, la mortalité des arbres à cause de la sécheresse, l’augmentation des surfaces brûlées conséquence des incendies…

«Les écosystèmes en bonne santé sont plus résilients au changement climatique et procurent des services vitaux comme la nourriture et l’eau potable.»

Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC

Les écosystèmes terrestres, marins, côtiers ou d’eau douce subissent des pertes irréversibles et les impacts sont plus importants que ceux estimés précédemment. La détérioration généralisée des fonctions et des structures des écosystèmes, de la résilience et de la capacité adaptative naturelle ont des conséquences socio-économiques et sur la santé des populations. Environ la moitié des espèces migrent vers les pôles ou en altitude. On observe aussi des mortalités de masse d’espèces.

Tableau : Impacts mondiaux et régionaux observés sur les écosystèmes attribués au changement climatique
Impacts mondiaux et régionaux observés sur les écosystèmes attribués au changement climatique

Sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire et en eau est menacée par le changement climatique notamment en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et Centrale et sur les petites îles. Le réchauffement et l’acidification de l’océan affecte l’aquaculture et la pêche. Tous ces phénomènes conduisent à l’augmentation de la malnutrition. Si l’insécurité alimentaire touche tout le monde, les femmes, les personnes âgées et les enfants, les minorités, les personnes avec peu de revenus, les communautés dépendantes de la pêche ou de l’agriculture sont les plus touchées.

Graphique : Fréquence des pertes de production alimentaire depuis les années 1970
Fréquence des pertes de production alimentaire depuis les années 1970

Santé mentale et physique

Les épisodes de chaleurs extrêmes ont comme conséquence une hausse de la mortalité et de la morbidité humaine. Les maladies transmises par la nourriture, l’eau (le choléra par exemple), les moustiques ou les zoonoses augmentent et apparaissent dans de nouvelles régions. Les maladies cardiovasculaires et pulmonaires causées par la chaleur, la fumée des incendies ou la pollution de l’air sont aussi en hausse.

L’augmentation des températures, les traumatismes dus aux événements climatiques et météorologiques extrêmes, la perte des cultures et des moyens de subsistance altèrent la santé mentale des individus.

Zones urbanisées

Dans les zones urbanisées, le changement climatique impacte la santé humaine, les moyens de subsistance et les infrastructures clés. Les vagues de chaleur, qui sont plus intenses en ville aggravent la pollution de l’air et limitent le fonctionnement d’infrastructures. Les plus marginalisé·es sont les plus impacté·es. Les systèmes de transport, d’eau, d’assainissement et d’énergie peuvent fortement être désorganisés, conduisant à des pertes économiques, des interruptions de services ou des impacts sur le bien-être.

«Ensemble, l’urbanisation croissante et le changement climatique créent des risques complexes, en particulier dans les villes qui souffrent déjà d’une croissance mal planifiée, de niveaux élevés de pauvreté et de chômage et d’un manque de services de base.»

Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II du GIEC
Schéma : Impacts du changement climatiques sur les infrastructures urbaines
Impacts du changement climatiques sur les infrastructures urbaines

Risques à court terme (< 2040)

Avec un réchauffement climatique à 1,5°C (actuellement 1,1°C), les risques pour les écosystèmes et les populations vont augmenter. Le niveau de ces risques va dépendre de la vulnérabilité, de l’exposition, du niveau de développement socio-économique et de l’adaptation. Limiter le réchauffement climatique à un niveau proche de 1,5°C permettrait de limiter les pertes et les dommages sans pour autant les éliminer.

Cependant il y a une gros risque de perte de biodiversité entraînant une hausse des préjudices pour les populations qui en dépendent. Ils sont de plus exacerbés pour les écosystèmes qui atteignent les limites thermiques, les écosystèmes côtiers ou qui dépendent de la fonte des glaciers pour leur accès à l’eau. Malgré cela, l’adaptation pourrait modérer ses risques.

Risques à long terme (2040 – 2100)

Le GIEC a identifié 127 risques dont les impacts peuvent être plusieurs fois supérieurs à ceux observés aujourd’hui. Plus le réchauffement climatique augmentera, plus les risques augmenteront. L’ampleur des risques associés au changement climatique dépendront des mesures d’adaptation et d’atténuation.

La diminution de la disponibilité en eau sera problématique pour l’agriculture (irrigation), l’hydroélectricité et les populations. La pression sur la production alimentaire va s’accroître, surtout dans les régions vulnérables, causant des problèmes d’insécurité alimentaire. Le changement climatique va aussi affecter la santé : augmentation des maladies et des décès prématurés, hausse du stress et de l’anxiété notamment pour les personnes les plus fragiles. Les villes seront plus exposées aux températures élevées et les villes côtières seront très vulnérables aux submersions marines. Les migrations pour cause de changement climatique (inondations, fortes précipitations, cyclones, sécheresses, hausse du niveau des mers) vont augmenter. Enfin, les pertes économiques vont croître de façon non linéaire avec le réchauffement climatique.

Schéma : Impacts en cascade des aléas climatiques sur l'alimentation et la nutrition
Impacts en cascade des aléas climatiques sur l’alimentation et la nutrition

Des risques en cascade

Les impacts et les risques du changement climatique deviendront de plus en plus complexes et difficile à gérer. En plus des dangers simultanés et des interactions entre risques climatiques et non climatiques conduisant à des risques en cascade et leur aggravation dans tous secteurs et régions, il apparaîtra de nouveaux risques et impacts sur la santé, les écosystèmes, les infrastructures, l’alimentation… (augmentation des prix, problèmes sur les chaînes d’approvisionnement et les ressources…)

Le GIEC pointe du doigt, dans ce rapport, les risques de maladaptation qui pourrait se révéler contre-productive et la géoingénierie, pas toujours maîtrisée.

Les bienfaits des mesures d’adaptation

L’adaptation contribue à diminuer les risques et les dommages liés au changement climatique. Elle procure de multiples bénéfices : augmentation de la productivité agricole, conservation de la biodiversité, amélioration de la santé et du bien-être, sécurité alimentaire. Mais les inégalités conduisent à des écarts d’adaptation entre régions à cause de leurs coûts.

D’une façon générale, il existe des écarts entre les niveaux d’adaptation actuels et ceux nécessaire à la réduction des risques : adaptation fragmentaire, à petite échelle, conçue pour répondre à un impact actuel ou un risque à court terme.

Les solutions existent

Les solutions d’adaptations réalisables et efficaces existent ce qui conduirait à la diminution des risques pour la population et les écosystèmes. Ce rapport en cite plusieurs :

  • bonne gestion des zones humides dont les zones côtières et forestières,
  • agroforesterie, agriculture urbaine et diversification des cultures, renforcement des systèmes alimentaires locaux,
  • conservation, protection et restauration des forêts,
  • adaptation basée sur les écosystèmes,
  • îlots de fraîcheur urbaines avec plantations d’arbres et de végétation.

Pour les zones urbaines afin de les rendre résilientes, les solutions sont disponibles mais leur faisabilité se heurte à des contraintes financières, institutionnelles ou technologiques. Face à la hausse du niveau des mers, la protection, la relocalisation anticipée et planifiée sont des réponses appropriées. Si le réchauffement climatique diminue l’efficacité des systèmes énergétiques, la diversification des sources d’énergies (renouvelables, décentralisées…) est à promouvoir de même que la résilience et la sobriété.

Schéma : Illustration des activités humaines résilientes au changement climatique
Illustration des activités humaines résilientes au changement climatique

Les limites à l’adaptation

Certaines limites à l’adaptation humaine comme pour de nombreux systèmes naturels ont été atteintes. Ces derniers vont perdre en efficacité et n’apporteront plus de bénéfices à la population.

Cependant, ce rapport montre aussi que les contraintes financières, politiques et institutionnelles sont des freins qu’il faut de toute urgence lever. Les pays en voie de développement reçoivent un soutien financier insuffisant. Mais l’adaptation ne va pas prévenir toutes les pertes et les dommages. Il faut, en parallèle, réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.

Afin de développer l’adaptation, il faut mettre en place des conditions favorables comme des engagements politiques forts au-delà des échéances électorales, l’accès à des ressources financières ou promouvoir des politiques inclusives.

Zoom sur la maladaptation

Les réponses maladaptées au changement climatique créent des blocages en terme de vulnérabilité, d’exposition et de risques qui sont difficiles et chères à changer et exacerbent les inégalités. En se concentrant sur des gains à court terme et sur des secteurs isolés, les options d’adaptation à long terme ne sont pas pris en compte. Cela se traduit par des infrastructures et des institutions rigides et coûteuses à modifier. Par exemple, les digues protègent à court terme les populations mais peuvent augmenter les risques à long terme à cause de la hausse du niveau des mers. On construit des habitations derrière les digues qui ne seront plus assez hautes dans les décennies. La mauvaise adaptation entraîne aussi une diminution de la biodiversité et de la résilience des écosystèmes. Elle affecte en premier lieu les populations marginalisées.

Un développement résilient au changement climatique

Les impacts du changement climatique augmente la vulnérabilité et les inégalités socio-économiques. Il est urgent de mettre en œuvre des actions de développement résilient au changement climatique. En complément des mesures d’atténuation, l’adaptation est nécessaire. La fenêtre d’opportunité se réduit mais il est toujours possible d’agir. Les gouvernements, la société civile et le secteur privé doivent faire des efforts de développement inclusif en priorisant l’équité, la justice et la coopération internationale. Un développement résilient au changement climatique sera alors possible.

« Le changement climatique menace le bien-être de l’humanité et la santé de la planète. Tout retard dans l’action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable. »

Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC

Dans un développement résilient au changement climatique, la biodiversité et les écosystèmes sont fondamentaux et apportent des bénéfices aux populations en leur fournissant des moyens de subsistance, en améliorant la santé humaine et le bien-être, en sécurisant l’alimentation et l’eau. Toutefois, cette capacité à s’adapter est limitée à mesure que la température augmente. En zone urbanisée, la planification d’actions intégrées permettra d’augmenter les capacités d’adaptation.

Le changement climatique a déjà perturbé les systèmes humains et naturels faisant peser une menace sur les populations et les écosystèmes. La prochaine décennie est cruciale pour actionner un développement résilient au changement climatique. Tout retard dans l’action mondiale sur l’adaptation et l’atténuation refermera rapidement la fenêtre d’opportunité assurant un avenir vivable et durable pour toutes et tous.

Conclusions

Les événements météorologiques et climatiques sont de plus en plus fréquents et intenses et menacent l’humanité. L’adaptation est essentielle pour limiter les conséquences du changement climatique. Elle permet de diminuer les risques et la vulnérabilité, de renforcer la résilience, améliorer le bien-être et augmenter la capacité d’anticiper et de faire face aux changements. Il existe une interdépendance entre le climat, la société, le bien-être, les écosystèmes et la biodiversité. Il est donc important de développer des solutions d’adaptation en cohérence avec toutes ces interactions.

Les financements doivent être augmenter et pérenniser notamment en direction des pays en voie de développement qui sont les plus vulnérables au changement climatique. Mais il faut agir vite car chaque incrément supplémentaire de réchauffement planétaire entraîne des risques accrus pour les écosystèmes. La fenêtre d’action est en train de se refermer.

Que retenez-vous de la deuxième partie du rapport du GIEC ?

Bibliographie :

  • IPCC, 2022: Summary for Policymakers In: Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, M. Tignor, E.S. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Craig, S.Langsdorf, S. Löschke, V. Möller, A. Okem, B. Rama (eds.)].
  • IPCC, 2022: Headline Statements from the Summary for Policymakers. In: Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change
  • IPCC, 2022: Technical Summary In: Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, M. Tignor, E.S. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Craig, S.Langsdorf, S. Löschke, V. Möller, A. Okem, B. Rama (eds.)].
  • Le compte Twitter de Valérie Masson-Delmotte

L’ensemble des rapports du groupe de travail 2 du GIEC est accessible en ligne.

Photo de couverture : IPCC WG2, www.environmentalgraphiti.org

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