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[Effet Matilda] Ada Lovelace, la pionnière de l’informatique

Ada Lovelace est plus connue pour être la fille légitime de Lord Byron, le poète anglais débauché et pour ses excentricités. On a redécouvert ses talents de mathématicienne au milieu du 20ème siècle à la naissance de l’informatique moderne. Pourtant, elle n’a pas fait de découvertes scientifiques majeures. Elle n’a pas démontré de théorème mathématique. Elle n’a écrit qu’un seul article, une traduction d’un article en français et y a ajouté ses notes. Elle y a décrit le premier programme informatique pour une machine, machine qui ne sera jamais construite de son vivant et programme qui n’a jamais été testé.

Ada Byron, devenue Ada Lovelace par son mariage, est la pionnière de l’informatique. Aujourd’hui, les ordinateurs sont indispensables à notre quotidien. La modélisation permet de prévoir non seulement le temps de demain mais aussi les climats futurs possibles bouleversés par le changement climatique.

Portrait (3/4) d'Ada Lovelace par Alfred Edward Chalon en 1840
Ada Lovelace par Alfred Edward Chalon (1840), Wikimedia Commons

Une enfance studieuse

Augusta Ada Byron est née le 10 décembre 1815 à Londres. Elle est la fille de George Gordon Byron, Lord Byron et de Anne Isabelle Milbanke, dite Annabella. Byron surnommait sa femme La princesse des parallélogrammes. Ses parents se séparent peu après sa naissance à cause des violences de Lord Byron. Il part en exil et meurt en Grèce en 1824. Ada ne reverra jamais son père et sera élevée par sa mère.

Afin de l’éloigner de la poésie, Annabella Byron donne à sa fille Ada une éducation centrée autour des mathématiques. Dès 5 ans, elle reçoit des leçons de calcul, de grammaire et d’orthographe puis elle apprend à lire, la musique, la géographie, le français, le latin et l’italien. Cependant, sa relation avec sa mère est très compliquée. Sa mère est très stricte et maltraitante, ce qui était courant à l’époque. De santé fragile, Ada souffre régulièrement de migraines. Malgré cela, elle bénéficie d’une éducation très poussée.

Ada appartient à la haute bourgeoisie anglaise. Si elle reçoit une éducation différente des jeunes filles de son âge (les jeunes filles de son milieu n’étudie pas les mathématiques), elle doit toutefois faire son entrée dans le monde et trouver un mari.

La rencontre avec Charles Babbage

Charles Babbage
Charles Babbage, Wikimedia Commons

A 17 ans, elle fréquente les salons de la noblesse pour y trouver un futur mari. A cette occasion, elle y rencontre Charles Babbage, l’inventeur de la machine à différences (1821) et de la machine analytique (1834). Elle est tout de suite intéressée par le prototype de la première machine de Babbage. Afin de comprendre les travaux de Babbage, elle doit prendre de nouveaux cours de mathématiques auprès de professeur·es particulier·ères. A cette époque, les femmes ne sont pas admises à l’université et ne peuvent fréquenter les bibliothèques comme celle de la Royal Society par exemple.

La machine analytique de Charles Babbage

Machine à différences de Charles Babbage
Machine à différences de Charles Babbage (Photo : Jitze Couperus)

Charles Babbage a imaginé et conçu deux machines : la machine à différences et la machine analytique. Si la première a pu être construite, la deuxième ne verra jamais le jour. Charles Babbage est caractériel et se fâche avec à peu près tout le monde. Ayant rendez-vous avec Robert Peel, premier ministre de l’époque, il passe plus de temps à critiquer le gouvernement qu’à défendre son projet et obtenir des fonds.

La machine analytique est un ancêtre de l’ordinateur et fonctionne avec des cartes perforées comme sur le modèle des cartes des métiers à tisser Jacquard. Elle est programmable et permet d’exécuter des calculs. Charles Babbage la conçoit après avoir développer la machine à différences permettant de calculer les tables logarithmiques ou trigonométrique. A l’époque tous les calculs s’effectuent à la main et sont sources d’erreurs. Ces inventions vont permettent de les éviter. Contrairement à l’ordinateur moderne, la machine analytique aurait fonctionné à la vapeur.

Son perfectionnement en mathématiques

Dès 1832, Mary Somerville, une célèbre mathématicienne et physicienne de l’époque, l’encourage à poursuivre l’étude des mathématiques. Elle étudie la trigonométrie et la géométrie avec elle. Cependant, se consacrer entièrement à l’étude est compliqué. En 1835, elle épouse William King, futur comte de Lovelace et a trois enfants entre 1836 et 1839. Ses grossesses et sa santé fragile l’éloigneront des mathématiques quelques années.

En 1840, elle rencontre Augustus de Morgan et poursuit son apprentissage. Elle étudie l’algèbre, la trigonométrie, le calcul différentiel et intégral. Leur correspondance (la poste passe plusieurs fois par jour à cette époque) montre une élève curieuse, passionnée et un sens aigu du détail. Si certain·es biographes comme Dorothy Stein remettent en cause les capacités mathématiques d’Ada Lovelace, le travail de Hollings, Martin et Rice vient rétablir la vérité. On ne peut pas sous estimer ses compétences scientifiques.

Exemple d'exercice proposé par Augustus De Morgan à Ada Lovelace
Exemple d’exercice proposé par Augustus De Morgan à Ada Lovelace

L’article de Menabrea et ses fameuses notes

En 1841, Ada Lovelace propose à Charles Babbage de traduire un article en français de l’ingénieur italien Luigi Menabrea. Lors d’un voyage en Italie en 1840, Charles Babbage présente sa machine analytique et Menabrea en tire un article intitulé «  Notions sur la machine analytique de M. Charles Babbage » publié en 1842 dans un journal suisse.

« Nous pouvons dire très justement que la machine analytique tisse des motifs algébriques tout comme le métier Jacquard tisse des fleurs et des feuilles. »

Ada Lovelace

Pendant 9 mois, Ada Lovelace se plonge dans le travail de traduction et y ajoute ses propres commentaires, les fameuses « Notes » (7 au total), sur les conseils de Charles Babbage. Elle y présente le principe de la machine à différence et de la machine analytique et son intérêt pour le calcul automatique. Elle évoque également les possibilités et les difficultés de la réalisation pratique. Elle y rédige le premier programme informatique dans sa note G. Ada Lovelace semble la seule à avoir compris la puissance de la machine analytique de Babbage, ancêtre de l’ordinateur. Elle émet aussi l’hypothèse que le machine analytique pourrait manipuler des entités autres que numériques. Babbage n’ayant jamais réuni les fonds nécessaire à la construction de la machine, elle ne sera jamais construite de son vivant. C’est son fils Henry Babbage qui fabriquera notamment le moulin et l’imprimante. Ada Lovelace ne la verra jamais en fonctionnement.

L’article de Ada Lovelace sera publié en 1843 mais son nom n’apparaîtra que par ses initiales A. A. L.

Algorithme d'Ada Lovelace écrit pour la machine à différence de Charles Babbage
Algorithme d’Ada Lovelace écrit pour la machine à différence de Charles Babbage

Mary Somerville

Portrait de Mary Somerville par Thomas Phillips en 1834
Mary Somerville par Thomas Phillips (1834), Wikimedia Commons

Mary Somervielle est née le 26 décembre 1780 est une mathématicienne et physicienne écossaise. Dans son enfance, elle assiste aux leçons de sciences de son frère. Se révélant plus douée que lui, le professeur lui donne des cours particuliers non officiels.

Après la mort de son premier époux, elle devient une riche héritière et peut étudier à sa guise les mathématiques, l’astronomie, la chimie, la géographie, la microscopie, l’électricité et le magnétisme. Elle se remarie avec William Somerville. Au fil des années, elle rencontre Caroline Herschel et son frère William, Charles Babbage, qu’elle présentera à Ada Lovelace, Louis Arago, Pierre Simon de Laplace dont elle traduira La mécanique céleste en y ajoutant une large discussion préliminaire.

Elle devient membre de plusieurs académies de sciences et de sociétés scientifiques. Elle publie des ouvrages de physique et de géographie, qui furent des succès de librairies. Elle soupçonne aussi l’existence de Neptune.

Elle s’éteint à Naples le 28 novembre 1872 à l’âge de 91 ans.

Des centres d’intérêts multiples

Après la publication de la traduction de l’article de Menabrea augmenté de ces Notes, Ada Lovelace, surnommée L’Enchanteresse des Nombres, s’intéresse à de nombreux sujets. Elle cherche à mettre en équation les phénomènes cérébraux. Elle se passionne pour l’électricité ou au rôle de la photographie dans les recherches scientifiques. Toutefois, elle ne publiera jamais de nouvel article. Être une femme scientifique dans un milieu masculin reste difficile malgré ses nombreux talents.

« J’espère un jour parvenir à mettre en équation les phénomènes cérébraux, trouver un ou des lois décrivant l’interaction entre les molécules du cerveau. »

Ada Lovelace

Appartenant à l’aristocratie, elle a une vie sociale intense et reçoit des savant·es de préférence dans son salon. Tout au long de sa vie, elle a côtoyé, outre Mary Somerville, Augustus de Morgan et Charles Babbage, Florence Nightingale, Michael Faraday, Charles Dickens et Charles Wheatstone.

Elle transmet aussi à sa fille son goût pour les mathématiques en lui donnant des cours de sciences mais aussi de musique. Ada Lovelace était une excellente harpiste.

Une lente agonie

N’ayant pu exprimé tous ses talents scientifiques, Ada Lovelace sombre peu à peu à partir de 1846. Elle s’adonne aux jeux en essayant élaborer des équations lui permettant de parier sur des courses de chevaux mais elle perd beaucoup d’argent.

A partir de 1851, elle déclare un cancer de l’utérus et soigne ses douleurs par un mélange d’opium, d’alcool et de chloroforme. Ses facultés mentales déclinent au fur et à mesure que le cancer se généralise. Elle meurt le 27 novembre 1852 à l’âge de 36 ans. Conformément à son souhait, elle est enterrée à côté de son père.

Portrait en pied d'AdaLovelace de Magaret Sarah Carpenter en 1836
AdaLovelace de Magaret Sarah Carpenter (1836), Wikimedia Commons

L’héritage d’Ada Lovelace

Ada Lovelace avait un esprit visionnaire. Elle avait compris avant tout autre le potentiel de la machine à différences de Charles Babbage. On a redécouvert son travail avec l’essor de l’informatique dans les années 1930. Cent ans après la publication de son unique article naissait le premier ordinateur.

Ada Lovelace est la première à écrire un programme permettant de calculer les nombres de Bernoulli. Elle est ainsi l’inventrice du concept de programmation et d’algorithmes. C’est aussi la naissance des concepts de software et d’hardware. Elle introduit également la notion de boucles et de sous-programmes.

« La machine analytique peut composer des morceaux de musique élaborés et scientifiques de n’importe quel degré de complexité ou d’étendue. »

Ada Lovelace

En 2009, le Ada Lovelace Day a été créé, qui a lieu le deuxième mardi du mois d’octobre. Cette année, il se tient le 11 octobre 2022. Il permet de promouvoir le travail des femmes en sciences, technologie, ingénierie et mathématique (STEM) et encourage les jeunes femmes à poursuivre des carrières scientifiques.

Dans les années 1980, le département de la Défense américaine crée un langage de programmation, le langage ADA, qui est encore utilisé dans le domaine de l’aviation, du ferroviaire et du spatial.

De nombreuses biographies, documentaires et films lui sont consacrées. Elle apparaît aussi dans des séries comme Victoria ou Doctor Who. C’est aussi un personnage dans des livres de sciences fiction de style steampunk.

Connaissez-vous Ada Lovelace et ses apports dans l’informatique moderne ?

Pour aller plus loin :

Références bibliographiques :

Crédit photo : ThisIsEngineering (Pexels) pour la photo de couverture

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